Voici le dernier article de cette série dédiée au domaine de Versailles, en espérant que ça vous a plu 🙂
Partie 5 : L’autre côté de Versailles
I) Versailles, ville royale Si Louis XIV veut installer sa Cour à Versailles, il veut aussi en faire la capitale politique du royaume. Pour ces deux raisons, il va favoriser l’expansion de Versailles, afin de créer une ville autour du château. Le 22 mai 1671, en voyage à Dunkerque, Louis XIV « annonce alors, à la faveur d’une déclaration royale, une ‘franchise fiscale’ pour encourager les promoteurs à construire à Versailles. Cette déclaration constitue en quelques sorte la charte de fondation de la ‘ville nouvelle’ de Versailles ». De même, le 24 novembre 1672, une nouvelle déclaration du Roi rend les biens des propriétaires insaisissables par les créanciers. Le souverain donne ou vend des parcelles de terre contre la certitude que l’on viendra s’y installer. Des hôtels particuliers commencent à naître. Ainsi, face au château, se dressent les hôtels de Noailles, Lauzun et Quitry. Louis XIV finira par les racheter afin d’agrandir ses Ecuries. Côté rue des Réservoirs, entre 1671 et 1674, poussent les hôtels de « Monsieur, Luynes, du Lude, Alluyes, Bouillon, Créquy, Longueville, Condé, Soissons ».
De l’autre côté se trouve la paroisse Saint-Julien, vieille église de Versailles avec son cimetière. Elle sera finalement détruite et remplacée par l’actuel bâtiment des Grands Communs.
II) Versailles, un chantier dangereux ? En 1685, le Marquis de Dangeau rapporte dans son journal que la construction de Versailles nécessite l’emploi d’au moins trente-six mille ouvriers. Ce nombre important est explicable par la volonté de Louis XIV d’un chantier rapide mais aussi par la simultanéité des constructions. Les journées sont longues (plus en été qu’en hiver), soumises à des règlementations contraignantes, les pauses sont courtes et rares, les salaires peu élevés. Aussi, rapidement, les chantiers sont surveillés par des soldats. Si Mme de Sévigné puis plus tard Mme de La Fayette, entre autres contemporains, véhiculent l’image d’un chantier dangereux où les blessés s’amassent en quantité importante, la réalité est différente. Dans les faits, « c’est le nombre impressionnant d’ouvriers qui accentuait la vision d’horreur que l’on s’en faisait, car, statistiquement, il n’y avait pas plus de morts à Versailles que sur tout autre chantier contemporain ».
Certes, le château de Versailles a coûté cher en vies et en argent. Le coût total, hors fêtes, est d’environ 80 millions de livres. Des livres de comptes répertoriaient les décès et les pensions accordées aux veuves ou aux blessés. Mais Versailles a aussi beaucoup apporté à son siècle : du travail pour l’ensemble des ouvriers présents sur les chantiers mais aussi pour les différentes manufactures qui l’ont approvisionné (Saint-Gobain, notamment) ; des apports pour l’art, la culture, la sculpture, la peinture, les jardins ; mais aussi des avancées considérables pour les sciences et l’ingénierie.
Versailles fut aussi le tombeau de la monarchie. En matant sa noblesse trop rebelle et en la prenant sous sa coupe, Louis XIV a mis en germe les prémices de la Révolution. Louis XV avait la prestance nécessaire pour se retirer en son particulier tout en restant respecté de sa noblesse. Mais Louis XVI n’a pas eu cette force et il est devenu le prisonnier de sa propre Cour et de son château, avant d’être celui de son peuple. En voulant la magnificence et l’éternité pour son Versailles, le Grand Roi a aussi annoncé la fin de sa dynastie.
Mais finalement, que retient-on le plus du règne de Louis XIV ? Versailles.
Bibliographie : • Versailles, histoire, dictionnaire et anthologie, sous la direction de Mathieu Da Vinha et Raphaël Masson, Robert Lafont • Le château de Versailles, Pierre Verlet, Fayard • Le Versailles de Louis XIV, Mathieu Da Vinha • Versailles ou la Figure du Roi, Gérard Sabatier • Le domaine de Louis XIII à Versailles, Jean-Claude Le Guillou • Le hameau de la Reine, Jean des Cars • Versailles en 50 dates, Jean-Jacques Aillagon, Albin Michel • Les grandes heures de Versailles, Decaux A., Librairie Académique Perrin
Documentaires : • Louis XIV, le rêve d’un Roi • Louis XV, le Soleil Noir • Louis XVI, l’homme qui ne voulait pas être Roi • Le Versailles retrouvé du Roi-Soleil, Marc Jampolsky, 2018 • Versailles, le défi de Louis XIV, Philippe Tourancheau, 2019
1) Louis XV Le projet germe dès 1761. Le Petit Trianon est donc commandé par Louis XV à son architecte, Jacques-Ange Gabriel. Les travaux débutent en 1762. Deux ans plus tard, la Marquise de Pompadour meurt. Elle n’aura donc pas l’occasion d’en profiter, mais restera toutefois très présente dans ces lieux qui ravissent le Roi. En 1768, le gros œuvre est terminé et Louis XV passe sa première nuit à Trianon en 1770.
Trianon est un bijou néoclassique. 1750 est l’année charnière du style Louis XV. C’est la fin du goût pour le style rocaille, on réclame un retour du « grand style ». Grâce à sa sœur Mme de Pompadour, Abel-François Poisson de Vandières, Marquis de Marigny, effectue dès 1749 un Grand Tour et part en Italie, notamment à Venise, accompagné de Charles Cochin, Jacques-Germain Soufflot (architecte) et l’abbé Leblanc. Ce voyage dure deux ans, jusqu’en 1751. Marigny est un noceur et passe le plus clair de son temps à faire la fête. Aussi, Soufflot le délaisse et quitte Venise pour la Sicile, où il découvre le style ionique. C’est le début de l’engouement pour l’Antique, notamment avec la découverte de Pompéi et Herculanum. Il y a donc une volonté de retour à l’Antique en matière de décoration et d’architecture. Louis XV n’aime pas ce style, il reste attaché au rocaille, mais Mme de Pompadour et son frère vont au contraire encourager ce mouvement. Elle commande beaucoup de meubles dits « à la grecque » pour une de ses propriétés, le château de Menars. Les recherches effectuées autour de l’Antiquité montrent qu’avant Rome, il y avait la Grèce. Aussi, beaucoup d’artistes et d’architectes se rendent là-bas afin d’analyser les ruines et s’en inspirer. Dans ce retour à l’Antique, on note trois périodes. De 1760 à 1775 : c’est le style grec. Il conserve encore un peu de style rocaille tout en l’affinant, mais il passe rapidement. C’est un style de transition entre la fin du règne de Louis XV et le début de celui de Louis XVI. De 1775 à 1785 : c’est le style arabesque. Marie-Antoinette est très active et impliquée dans l’évolution de Trianon. Elle prend de nombreuses décisions et adapte le style à son goût. Elle aime les fleurs, les passementeries, les franges, et les insère dans le style Antique qui devient plus élégant, plus raffiné. L’exemple type de ce style est le cabinet des glaces mouvantes. Enfin de 1785 au Consulat, et même jusqu’au début du Romantisme : c’est me style à l’étrusque. Plus sec et austère, c’est le retour au pur style Antique.
Trianon est une des constructions de ce style Antique, mais à moyen terme, si l’on peut dire, car il n’est pas totalement bâti dans ce style. C’est un bâtiment sobre, cubique, moins précieux, plus élégant et raffiné. Il est davantage proche du style de Louis XIV qui plaît beaucoup sous le règne de Louis XVI car c’était le siècle de l’âge d’or de la monarchie. On retrouve dans les décorations et dans l’architecture le style corinthien et le style colossal (les colonnes en relief sur les façades, qui relient le premier étage à la corniche au-dessus du 2e, et qui fait jouer la lumière). Trianon a quatre façades différentes mais bâties sur le même principe : celui de l’originalité et de la variété. La façade privilégiée donne sur le jardin français. L’organisation atypique des façades se retrouve à l’intérieur du château. La cage d’escalier est le point central de l’édifice, le cœur de l’espace. Trianon est tourné vers le jardin et très raffiné, à taille humaine. Mais sa modestie n’est qu’apparente.
Le « bel étage » est le premier étage. Les pièces sont réparties tout autour de l’escalier pour avoir un point de vue différent sur le jardin, selon la pièce dans laquelle on se trouve. Les murs sont en pierre nue, les décorations ne sont que des reliefs qui permettent des jeux de lumière. Selon l’heure et la lumière, le rendu du château n’est pas le même. Le Petit Trianon comprend deux espaces aux dimensions très différentes. La partie privée est basse de plafond, à taille humaine car plus intimiste et forcément plus facile à chauffer. On ne trouve aucun meuble doré. Louis XV dispose d’une antichambre, de deux salles à manger (où sont deux « tables volantes » ou « tables magiques) et d’un Salon des Jeux. Ce système de « tables volantes » est ingénieux. Le parquet comporte une ouverture circulaire permettant à la table de monter, garnie de plats, et de descendre une fois vide. Ainsi, on évite la présence de serviteurs et on dîne en toute intimité. Ce système ne sera plus utilisé du temps de Marie-Antoinette et, aujourd’hui, seule une marque au sol permet de savoir qu’il a existé. Il y a aussi des garde-robes, des entresols, une bibliothèque, un cabinet de retraite et un cabinet à niche (qui sera le futur boudoir de Marie-Antoinette). Un escalier en part et mène à la pièce du Café du Roi. On trouve aussi sa chambre.
Enfin, la chapelle est mise en projet en 1773, mais Louis XV meurt avant qu’elle ne soit construite. Il est à Trianon quand les premiers signes de la petite vérole se manifestent. Le Roi rentre en hâte à Versailles et ne reverra plus son cocon intime ni son jardin botanique : il meurt le 10 mai 1774.
2) Marie-Antoinette A la mort du Roi, son successeur, Louis XVI, offre Trianon en propre à Marie-Antoinette, après le retour du sacre à Reims. La Reine devient la réelle propriétaire du domaine et donne elle-même ses ordres pour l’aménager et le meubler. Les ordres émanant de Trianon commencent tous par « de par la Reine ». C’est une grande première. Jusque-là, même si les Reines étaient officiellement propriétaires, tous les travaux étaient ordonnés par le Roi. Cette nouveauté est presque révolutionnaire et fait beaucoup jaser à la Cour. Louis XVI n’a jamais dormi à Trianon. Il y possède un appartement qu’il n’occupe pas et qui est donc prêté à Madame Elisabeth, sa sœur, ou à Madame Royale, sa fille, lorsqu’elles y viennent.
Marie-Antoinette va s’approprier les lieux. Pour autant, elle a très peu modifié l’intérieur de Trianon et a presque tout gardé de ce qui s’y trouvait. Par exemple, la balustrade et le garde-corps, faits en fer forgé et dorés, ont été réalisés pour Louis XV. La Reine n’y a rien changé, elle a simplement ajouté son chiffre, le « M » et le « A » entrelacés. Et c’est seulement à la fin de son règne qu’elle fait changer le mobilier, ce qui montre le côté très moderne et avant-gardiste des pièces choisies par Louis XV, puisque ça a aussi séduit Marie-Antoinette.
Durant l’été 1774, la Reine lance sa première campagne de travaux, à savoir les murs de clôture. En parallèle, la base du jardin anglais se crée. Les coûts initialement prévus sont dépassés. On crée aussi le jeu de bague chinois. Marie-Antoinette fait repeindre les pièces de Trianon et en remodèle certaines, qu’elle attribue à ses proches. La chapelle, à peine démarrée à la mort de Louis XV, est achevée en 1774. En 1781, Marie-Antoinette fait agrandir les communs, qui rejoignent presque le Grand Trianon.
L’étage noble est toujours au premier étage. Quand on arrive par le Grand Escalier, côté Cour d’entrée, on va à droite, dans l’Antichambre. Arrive ensuite la salle à manger, dont le sol est marqué par les traces de l’ancienne table volante de Louis XV. Initialement situé au rez-de-chaussée, le Billard est déplacé en 1784, il remplace la petite salle à manger de Louis XV. La pièce du rez-de-chaussée est dédiée au billard des gardes, dont la Salle est située en face. On trouve ensuite le Salon de Compagnie (ou de Musique). Entre cette pièce et la cage d’escalier se trouvent les Cabinets de la Garde-Robe. Là où Louis XV avait installé son café et son escalier intérieurs, la Reine crée son Boudoir aux parois amovibles devant les fenêtres, il est redécoré en 1787. Ensuite, c’est la chambre de la Reine (ex-Cabinet de Louis XV). Le lit de Marie-Antoinette est celui de Mme du Barry, qu’elle a fait dorer et retendre à son goût. Il sera changé en 1783. La chambre de Marie-Antoinette a une particularité. Elle ne voulait pas que sa vue sur le jardin anglais soit gâchée par des petits carreaux à ses fenêtres. Aussi a-t-elle fait installer de grandes vitres afin qu’elle puisse tout voir dans son ensemble. Ce petit caprice était onéreux car des carreaux de cette dimension valaient très cher. Enfin, on termine la visite par le Cabinet de toilette (ex-bibliothèque botanique de Louis XV).
Sur le palier de l’escalier, à gauche, se trouve une porte qui aboutit à l’escalier menant à l’entresol et au deuxième étage. Vu de l’extérieur, c’est très facile à voir : des fenêtres assez petites puis d’autres plus petites encore, au-dessus. A l’inverse, les salles de réception sont hautes de plafond et il n’y a pas d’entresol entre ces salles et l’Attique. On peut aussi noter la grande utilisation des éléments naturels : fleurs, feuilles, fruits, ainsi que de la couleur verte, qui est la couleur de Trianon. Au deuxième étage, la Reine fait aménager des pièces dédiées à ses proches et à sa famille : Louis XIV, Madame Elisabeth, Mme de Polignac (chambre créée en 1783), la Princesse de Lamballe, etc. En 1780, elle fait aménager une bibliothèque entresolée qui sera agrandie quatre ans plus tard.
Le rez-de-chaussée est l’étage du service. On y retrouve le réchauffoir où les plats étaient chauffés mais pas cuisinés (ils étaient préparés dans les communs attenants à la chapelle), ainsi que la Salle des gardes. Dans une pièce à côté du réchauffoir sont exposées des pièces de vaisselles. Ces éléments font partie des services commandés par Louis XV, mais aussi Marie-Antoinette et une de ses belles-sœurs, la Comtesse de Provence ou celle d’Artois. Le service dédié à la Reine est vert et doré, avec toujours l’omniprésence de fleurs, notamment des bleuets, mais surtout très raffiné et élégant. Le service dédié à la belle-sœur de la Reine est également fleuri, mais moins raffiné et avec très peu de dorures. Enfin, celui commandé sous Louis XV est dans un style totalement différent, plus lourd, mais toujours avec des fleurs. Enfin, on trouve la trace d’un escalier, qui allait du rez-de-chaussée à la chambre de Louis XV au deuxième étage. Il est détruit sur demande de Marie-Antoinette pour installer une pièce dans laquelle se trouve aujourd’hui le mécanisme du cabinet des glaces mouvantes, situé au premier étage.
Marie-Antoinette vient régulièrement à Trianon, ne serait-ce que pour superviser les travaux de son jardin. Mais elle n’y séjourne pas et rentre à Versailles. C’est en 1779, alors qu’elle est convalescente, qu’elle va y dormir pour la première fois. Ce séjour est sujet à caution puisqu’elle est « gardée » par quatre gentilshommes, sans aucune dame de la Cour. Bien qu’ils n’aient pas dormi à Trianon, les rumeurs les plus folles vont circuler et des pamphlets en feront les amants de la souveraine ! Dès lors, elle dormira régulièrement sur place, désertant Versailles pour son cocon.
3) Après l’Ancien-Régime Quand la Révolution éclate et que la famille royale est ramenée à Paris, le jardinier Richard reste sur place. En 1792, le ministre Roland le nomme comme jardinier en chef de Trianon. Un an plus tard, le mobilier du château est rassemblé avec celui de Versailles et tout est vendu petit à petit. Seuls quelques domestiques restent sur place, où ils sont logés, tandis que les symboles royaux sont détruits. Trianon devient alors propriété nationale et le terrain est loti. Une concession est accordée à l’entrepreneur Langlois, qui transforme les lieux en auberge et cabaret. N’importe qui peut venir y dormir à condition de payer. Mettereau succède à Langlois. On donne des bals populaires, les habitants, irrespectueux des lieux, dégradent Trianon et ses jardins. Par manque d’entretien, la nature reprend ses droits. Seules quelques parcelles de terrain sont sauvées dans un but éducatif.
En 1805, Napoléon Ier visite les lieux et trouve le procédé scandaleux. Il fait placer le Hameau et Trianon sur la liste des biens d’Etat, fait tout refaire à neuf pour ensuite les prêter à Pauline, sa sœur préférée. Les peintures sont refaites, de nouveaux tableaux sont commandés, le sol est dallé à neuf. Dès 1810, Pauline est dépossédée des lieux car Napoléon souhaite offrir le domaine à sa seconde épouse, Marie-Louise, petite-nièce de Marie-Antoinette. La nouvelle Impératrice se plaît dans ces lieux, mais elle n’en profitera pas longtemps, puisque Napoléon chute quatre ans plus tard.
Durant la Restauration, Madame Royale hérite de Trianon, mais les souvenirs étant trop douloureux, elle se contente d’une seule visite. Trianon est en quelque sorte abandonné, ses oncles n’y allant pas davantage. Sous la Monarchie de Juillet, le lieu va retrouver un peu de vie, en passant au Duc d’Orléans, fils de Louis-Philippe, et à son épouse, Hélène de Mecklembourg-Schwerin. Mais la Duchesse déteste l’endroit et ne souhaite pas y être associée, comme ce fut le cas jadis pour Marie-Antoinette, critiquée à propos de Trianon et de son Hameau. Elle parle de ses séjours à Trianon comme d’un exil. Louis-Philippe fait tout de même réaliser des travaux et remplace le vert, couleur emblématique de Trianon, par du gris. Le vert retrouvera sa place au XXe siècle, lors de restaurations. Sous le Second Empire, Napoléon III ne se soucie pas plus de Trianon que du château. En revanche, toujours dans son culte voué à Marie-Antoinette, Eugénie entame un ré-ameublement du lieu en piochant dans les garde-meubles et va augmenter l’intérêt du public pour le refuge de la Reine défunte. Cet intérêt va diminuer après la chute du Second Empire et Trianon va de nouveau tomber dans une période creuse. Il faudra attendre la fin de la Seconde Guerre Mondiale pour que le lieu soit de nouveau mis en avant et enfin ouvert au public, entre deux restaurations.
4) Les jardins et les fabriques Jusqu’à présent, Trianon comportait les deux châteaux et les jardins qui les relient, avec le Pavillon frais et le Pavillon français, et les serres de feu Louis XV. Marie-Antoinette va alors dissocier le tout, en demandant la construction d’un mur entre le Grand et le Petit Trianon. C’est déjà une forme de révolution, puisqu’ainsi, elle possède son propre domaine, fermé, avec un accès réglementé par ses soins. A cela, Marie-Antoinette, suivant la mode, veut ajouter un les jardins anglo-chinois. C’est à l’opposé du concept de jardin à la française, qui existe déjà du côté ouest du château. Elle a déjà découvert le jardin anglais de son cousin le Duc de Chartres, à Monceau, ainsi que celui du Prince de Condé à Chantilly, comportant un hameau. Ses beaux-frères, Provence et Artois, ont également leurs folies dans la petite ceinture de Paris, Brunoy et Bagatelle, dans les jardins desquelles sont construites des fabriques. Aussi, la Reine souhaite-t-elle avoir son propre jardin anglo-chinois, qui sera surtout un jardin anglais. Elle se constitue une équipe composée de son architecte, Richard Mique, du jardinier Antoine Richard, fils du jardinier de Louis XV, et du peintre et paysagiste Hubert Robert. Ensemble, ils vont dessiner un jardin aux allées tortueuses, courbées, et où la nature prend – faussement – le dessus. Les serres chaudes de Louis XV disparaissent et naît alors une butte au pied de laquelle est creusé un lac artificiel. On y ajoute un rocher, une cascade et une mini montagne. Le jardin alpin est né. Au bord du lac, on construit le Belvédère. Le lac possède deux bras qui arpentent le jardin et se séparent autour d’une petite île sur laquelle est bâti le Temple de l’Amour en 1778. Toute cette étendue d’eau factice va nécessiter un travail colossal pour créer des réservoirs et dévier l’eau des bassins déjà existants, notamment celui du Trèfle.
Le rocher se construit dès 1779, jusqu’à 1781. Le projet s’avère complexe et est maintes fois remanié. La Grotte voisine est, elle aussi, plusieurs fois étudiée avant de recevoir l’accord de la Reine. Située au pied d’un petit ravin au cœur du jardin alpin, elle est difficile d’accès et minuscule. A l’intérieur se trouve un seul banc et on n’y tient qu’à deux. Une issue cachée permet d’en sortir discrètement, tandis qu’une ouverture dans le mur offre la possibilité de voir arriver d’éventuels visiteurs inopportuns. Enfin, le Belvédère, ultime fabrique du domaine, est fini en 1781. C’est un pavillon octogonal, bijou architectural posé au sommet de quelques marches gardées par des sphinges. Son sol est en marbre et le sommet de chacune des quatre fenêtres symbolise les quatre saisons. La Reine s’y rend pour prendre des collations ou des petits déjeuners.
Devant Trianon se trouve une vaste pelouse sur laquelle est construit un jeu de bagues chinois. C’est une sorte de manège (comme nos manèges de chevaux de bois) surmonté d’un toit comme celui d’une pagode et qui tournait grâce à des ânes ou des serviteurs situés en-dessous. Les dames montaient sur des cygnes, les hommes sur des dragons, et ils devaient, en tournant, passer un bâton dans des anneaux pour les attraper, d’où le nom de jeu de bagues. Relié au château par un tunnel sous-terrain, celui-ci a été condamné et fermé. On peut voir son départ dans le Petit Trianon, via le couloir où sont exposés des uniformes. Actuellement, à la place de ce jeu de bagues (vivement critiqué en son temps), se trouve un carré d’ifs avec, en son centre, un grand cercle de pelouse. En 1781, Marie-Antoinette fait ajouter une tribune autour de ce manège.
5) Le Théâtre de la Reine Marie-Antoinette donne de somptueuses fêtes à Trianon, notamment celle de 1777 en l’honneur de son frère Joseph II. Mais pour les pièces de théâtre, elle se contente de scènes éphémères. Elle utilise alors la galerie du Grand Trianon, puis l’Orangerie de Louis XV. Celle-ci est détruite en 1778 pour bâtir le rocher. Naît alors l’idée d’un théâtre dans le jardin de son petit château. La même année démarre le chantier du Théâtre, achevé en 1779. Le coût total de la construction se monte à 141.200 livres.
Si Louis XV avait accepté que Mme de Pompadour fasse du théâtre, en revanche, il l’avait interdit à la Dauphine, future Reine et devant assurer un rôle bien précis. Une fois sur le trône, Marie-Antoinette peut enfin assouvir sa passion pour la comédie, tout en la cachant à sa mère, la sévère Impératrice Marie-Thérèse, qui le lui aurait vivement reproché. Marie-Antoinette faisait venir des troupes professionnelles mais jouait elle aussi la comédie avec sa troupe amateur dite « troupe des Seigneurs », devant Louis XVI, amusé, et devant les domestiques. Le premier spectacle donné sur la scène du théâtre de Marie-Antoinette a lieu le 1er juin 1780. On joue de juin à mi-septembre, voire fin août. Le théâtre abritera plusieurs représentations jusqu’à 1785. C’est l’Affaire du Collier, véritable tournant dans l’attitude de la Reine, qui mettra fin aux représentations dans ce théâtre. La salle a donc été très peu utilisée et est, en outre, minuscule, puisqu’elle ne compte que cent cinquante à deux-cents places.
Le théâtre de la Reine est un des rares lieux en France à avoir gardé quasiment tout son décor d’origine et ses machineries. Dans un souci d’économie, tout est factice et donc fragile. Les murs et décorations sont en plâtre ou en carton-pâte, recouverts de feuilles d’or ou de cuivre doré. C’est son côté factice qui sauvera le théâtre de la Révolution. En effet, les révolutionnaires ont été très surpris de constater que tout était faux dans ce décor. Rien n’était bon à vendre dans ce théâtre, faussement riche et luxueux, en dehors des décors sur scène et du rideau. Il est néanmoins vidé à la Révolution. Les rideaux actuels datent de 1836, sous Louis-Philippe. Le plus ancien date de Louis XV, vers 1750, et représente le Temple de Minerve. Il est conservé dans le théâtre, dont la salle est construite en demi ovale, en bois et s’éclairait à la bougie.
Le théâtre est utilisé sous Napoléon Ier, qui n’hésite pas à percer le plafond afin de placer un lustre. Durant la Monarchie de Juillet, le théâtre est repeint en rouge et or, comme celui du château, et restauré à l’occasion de la création du musée Louis-Philippe. Depuis, il a été de nouveau restauré peu après la Première Guerre Mondiale grâce au financement de Rockefeller, et enfin une dernière fois il y a une vingtaine d’années, dans l’esprit de ce qu’a connu Marie-Antoinette. Le plafond est refait par Pierre Paulin, grâce à une esquisse datant de l’époque de la Reine, représentant « Apollon parmi les Muses ».
6) Le Hameau Le XVIIIe siècle est celui des Lumières. On prône le retour à la nature et on met en valeur les métiers de l’agriculture. Il est donc très à la mode d’avoir, proche de son château, un petit domaine champêtre fonctionnel. Marie-Antoinette a, dans cet esprit, depuis longtemps l’idée de créer ce village, ce hameau, dans son parc. Elle a déjà vu celui de Chantilly appartenant au Prince de Condé ; la ferme anglaise du Raincy, propriété de la Duchesse d’Orléans ; et le hameau de Montreuil, folie de la Comtesse de Provence. Tous ces lieux vont donner à Marie-Antoinette une idée très précise de ce qu’elle veut. Elle qui aimait jouer des rôles dans des pièces campagnardes, sur la scène de son théâtre, va pouvoir donner vie à un décor réel. En outre, la Reine a un objectif éducatif à travers ce projet. Déjà, il existe des petits carrés à cultiver dans le jardin français, dédiés à ses enfants. Grâce au Hameau, elle entend leur inculquer les valeurs de la nature, mais aussi leur faire côtoyer des vrais paysans. Ils peuvent ainsi se rapprocher et comprendre le travail et la vie de la grosse majorité du peuple. Nous sommes loin de Marie-Antoinette qui trait une chèvre ou fait semblant de récolter des légumes ! Elle ne jouait pas à la bergère dans cet endroit, ce travail étant assuré par un jardinier.
La construction du Hameau débute en 1779. Il comprend douze maisons dont l’extérieur est champêtre et faussement vétuste. Il sera collé à une ferme fonctionnelle, dont la construction démarrera plus tard. Il n’est pas prévu que la Reine et sa famille dorment au Hameau, qui sera un lieu de promenade et de délassement. On n’y construit donc pas de chapelle et on se contente du clocher du village voisin, Saint-Antoine du Buisson, que l’on aperçoit entre les sommets des arbres. Le Hameau est un prolongement du jardin anglais et les travaux d’aménagement s’étendent de 1783 à 1785. On va y créer un lac artificiel (bien plus grand que celui du jardin alpin) autour duquel seront disposées les douze bâtisses. Là encore se rencontre le problème de l’eau. On va créer de nouvelles canalisations et utiliser la machine de Marly afin d’alimenter cet immense lac. Les maisons sont réparties selon un ordre précis. Sur un ilot central sont la maison de la Reine, celle du Billard, le boudoir et le réchauffoir. D’un côté de l’ilot passe une rivière, de l’autre un ruisseau. Les deux sont enjambés par des ponts permettant de traverser et donc de rejoindre les autres maisons du Hameau, qui sont le moulin, la Tour Marlborough, les deux laiteries, le colombier, la grange et la maison du gardien.
La première construction est la Tour Marlborough. Sa base octogonale est posée sur un faux rocher. Elle abrite la pêcherie, dans laquelle sont rangés les barques et filets servant à attraper brochets et carpes dans le lac. De même, les pêcheurs viennent s’y reposer. La tour possède deux étages. Du sommet, on peut distinguer les toits de Versailles. Louis XVI y venait souvent avec le Dauphin. La tour est reliée par un couloir à la laiterie de propreté, que nous découvrirons plus loin. Viennent ensuite la Maison de la Reine et la Maison du Billard. Les deux sont reliées par une pergola et cet ensemble est le seul édifice bénéficiant d’un étage ainsi que d’un toit en tuiles. Le rez-de-chaussée de la Maison de la Reine comporte une salle à manger et une pièce réservée au tric-trac. A l’étage, on trouve une salle de jeux, devenu sous Napoléon une chambre pour Marie-Louise (où elle n’a jamais dormi), et un grand salon, dans lequel on prenait une collation ou jouait de la musique. Comme dans la chambre de Marie-Antoinette à Trianon, les fenêtres sont doubles. Une épaisseur extérieure comporte de petits carreaux cerclés de plomb. A l’intérieur se trouve une épaisseur d’un seul tenant. Ainsi, on peut ouvrir les deux épaisseurs séparément, ce qui permet, avec celle aux grands carreaux, de profiter pleinement du paysage. La Maison du Billard se compose, au rez-de-chaussée, d’une salle du même nom, au style plus masculin. Les hommes y jouaient tandis que les femmes allaient se promener. A l’étage, on trouve deux pièces (un boudoir faisant aussi office de chambre à coucher et un salon), et trois petits cabinets, dont une bibliothèque. Cet ensemble est décoré dans un style très féminin et délicat.
Un peu plus loin se trouve le Boudoir de la Reine. Plus petite bâtisse du Hameau, elle ne comporte qu’une seule pièce, qui a conservé tout son décor Louis XVI. La Reine y recevait une seule personne à la fois. Naturellement, les rumeurs sont allées bon train sur l’identité des visiteurs, et le nom de Fersen est revenu à plusieurs reprises. Arrive ensuite le Réchauffoir. Comme son nom l’indique, il sert à réchauffer les plats destinés à la Maison de la Reine. Ils sont déposés sur un passe-plat et emmenés par des serviteurs. Pour autant, il s’agit aussi d’une cuisine très bien équipée, avec un four fonctionnel et perfectionné. Bien que l’intérieur soit rustique, à l’image des autres maisons, on servait les plats dans de la vaisselle en porcelaine ou dans le d’argenterie.
Traversons le ruisseau afin de rejoindre le moulin. Il comporte une roue vouée à moudre le grain récolté à la ferme attenante. Mais le débit du ruisseau était bien trop faible pour l’activer. Elle restera donc purement esthétique. En revanche, le cours d’eau permettait aux lavandières de venir y laver le linge, sous le regard des visiteurs de la souveraine.
Allons à présent sur la rive de l’autre côté de la rivière. Nous retrouvons là, proche de la Tour Marlborough, le Colombier. Son grenier abrite des pigeons tandis que la maison est habitée par le responsable du poulailler, situé derrière. Quand la Reine s’installe au Hameau en 1785, une facture atteste de la présence de trois coqs, cinquante-cinq poules et huit pigeons (quatre femelles et quatre mâles). Arrive ensuite la Grange. Dedans vit le jardinier en chef du Hameau. Initialement destinée à stocker le fourrage, elle s’avère trop éloignée de la ferme pour conserver cette fonction première. Marie-Antoinette demande alors à en faire une salle de bal. Mais les travaux ne finissent qu’en juillet 1789. La Reine n’a jamais eu l’occasion d’utiliser cette salle et se servira de structures éphémères pour ses fêtes. Grande amatrice de lait, de glaces et de fromages, Marie-Antoinette possède deux laiteries. La première est la laiterie de préparation qui, comme son nom l’indique, est le lieu où l’on prépare les produits laitiers que la Reine va consommer, et notamment du beurre et de la crème. La souveraine n’y va jamais. La seconde est la laiterie de propreté. Elle est reliée à la Tour Marlborough par un couloir. C’est un lieu de dégustation, où la Reine et ses amis viennent goûter les produits du Hameau. Sa décoration est en majorité blanche, la couleur du lait. Les robinets sont en tête de bouc et des dauphins sont sculptés dans les grands éviers de marbre, en hommage au fils de la Reine.
Enfin, la dernière maison est celle du garde chargé d’assurer la sécurité du domaine, Jean Bersy. C’est la seule bâtisse possédant un sous-sol relié au réseau de fossés entourant le Hameau, et dont la valeur sécuritaire est bien inférieure à sa valeur esthétique !
L’ensemble du Hameau est fourni en arbres fruitiers de toutes sortes, mais aussi en fleurs disposées dans des pots, tous identiques, en faïence bleue et blanche. Enfin, dernier élément ajouté, les deux-mille-trois-cent-quarante-neuf carpes et les vingt-six brochets voués à peupler le lac factice.
Le domaine est fermé au public, sauf exception. La Reine y est chez elle et impose son règlement. Nous sommes loin du temps de Louis XV, quand les badauds venaient s’y promener, comme dans les jardins de Versailles.
Après la Révolution, le Hameau devient une sorte de parc de loisir. Les maisons, très fragiles, sont squattées par des importuns peu soigneux et peu respectueux des lieux. Napoléon va, comme pour Trianon, mettre fin à cette situation et va faire rénover une partie du Hameau. La Maison de la Reine devient celle du Seigneur, la Maison du Billard devient celle du Baillage. Les deux sont remeublées au goût Empire, afin que Marie-Louise, petite-nièce de la Reine défunte, puisse en profiter. Elle ira cependant très peu. Napoléon fait aussi raser la Grange et la laiterie de préparation, les deux bâtisses étant totalement délabrées. Il n’en reste aujourd’hui que le marquage au sol. Le principal ennemi du Hameau, c’est le temps qui passe mais surtout l’humidité. Les maisons ont été posées sur un sol que l’on sait humide et marécageux, sans aucuns travaux de préparation et d’aménagement. Concernant la maison de la Reine, son escalier hélicoïdal, au centre duquel est un peuplier, est rasé sur demande de Napoléon, puis remplacé par un escalier droit, collé au mur. En effet, le peuplier, source d’humidité, a accéléré le pourrissage du bois de l’escalier.
Une première restauration est effectuée à la fin du XIXe siècle. Grâce à Rockefeller, en 1932 et 1933, le Hameau est une nouvelle fois restauré, à plus grande échelle. En se basant sur les archives, on lui redonne peu à peu son aspect du temps de Marie-Antoinette, avec notamment le retour de l’escalier en hélice. Les Maisons de la Reine et du Billard retrouvent leurs noms originels, les allées sont refaites et les jardins autour de chaque maison retrouvent leurs clôtures. En 1957/1958, une autre rénovation est effectuée et permet de renforcer les maisons, leur permettant ainsi de mieux supporter les ravages de l’humidité. Enfin, grâce au mécénat Dior, le Hameau est rénové en 2018. La Maison de la Reine, celle du Billard et le réchauffoir sont restaurés et remeublés. Le mobilier datant d’avant 1789 ayant été éparpillé à la Révolution (il n’en subsiste que quelques pièces très rares), les conservateurs ont fait le choix de le meubler au goût de 1810, tel que Marie-Louise aurait pu le connaître.
7) La Ferme Dès l’idée de la construction du Hameau, Marie-Antoinette entretient le projet d’une ferme qui serait dans son prolongement. Cette ferme serait totalement fonctionnelle et fournirait le Hameau et Trianon en produits frais, notamment les œufs et le lait. Les travaux débutent en 1785 et se terminent en 1788, à la veille de la Révolution. Ce sera le dernier chantier du domaine de la Reine.
La ferme comprend une vacherie, une « écurie des chèvres », la maison du fermier (construite en 1786-1787) et une grange créée en 1787-1788. Le fermier, anciennement au service du Duc de Choiseul, fraîchement décédé, se nomme Valy Bussard. Il arrive en 1785 et est bientôt rejoint par sa famille. Il s’occupe des bêtes, mais également des champs compris entre la ferme et le mur du Grand Trianon. La Reine a choisi, pour sa ferme, huit vaches suisses, réputées pour leur lait, ainsi qu’un taureau. Les veaux qui naissent à la ferme sont ensuite vendus. De même, quand une vache devient trop âgée, elle est vendue et aussitôt remplacée. On trouve également dix chèvres et un bouc. Mais celui-ci va s’avérer trop peu aimable et mauvais reproducteur. Or le bouc de la ferme a vocation, en outre, de tirer le landau du petit dauphin, véritable carrosse miniature. La bête doit donc être docile ! Marie-Antoinette en réclame un nouveau qui arrive des montagnes suisses en 1786 et présente quatre cornes ! En plus de ce petit monde, on trouve des poules, des pigeons, des lapins et un cochon. Quant aux fameux moutons, objets de raillerie populaire envers la Reine, s’il y en a eu, non seulement ils n’avaient pas un ruban rose noué autour du cou, mais en plus ils provenaient de la ménagerie du Grand Trianon. Marie-Antoinette ne les a donc jamais achetés pour son domaine.
Valy Bussard tient des comptes précis et impeccables. Rien n’est à redire à leur sujet et la souveraine y tiendra particulièrement. Bussard reste à la ferme jusqu’en 1791. Bien que Marie-Antoinette ait quitté les lieux depuis deux ans, le fermier s’occupe toujours de l’activité du domaine et les produits (notamment le lait) sont apportés à la souveraine jusqu’à la fin de son séjour au Temple. Avec l’affaire du collier en 1785, la Reine va arrêter le théâtre et se concentrer principalement sur son Hameau, où elle se rend avec ses enfants. Seul endroit de tout Versailles (au sens large) où elle se sent heureuse, elle va y vivre les plus doux moments de sa vie, mais aussi y soigner ses plus grandes peines, comme la mort de deux de ses enfants, dont le premier Dauphin, et les débuts de la Révolution.
Partie 4 : Les Trianon et le domaine de Marie-Antoinette
Trianon. Ce nom est irrémédiablement associé à Marie-Antoinette qui en a fait son bijou, son refuge. Pourtant, Trianon existait déjà bien avant la Reine. C’est en 1668 que Louis XIV rachète le village qui porte ce nom et le fait raser. Ainsi, il agrandit son domaine. Sous Louis XV, Trianon va s’étendre et son importance atteindra son apogée avec la Marie-Antoinette, qui le modèlera selon son goût.
I) Le Grand Trianon
1) Louis XIV Louis XIV, Roi public, fait le choix d’une part de vie privée. Pour cela, il a l’idée de créer, dans son vaste parc de Versailles, un petit château intimiste qui abritera ses amours avec Mme de Montespan. Dès 1668, Louis XIV s’intéresse au village de Trianon, qu’il fait détruire. Deux ans plus tard, il fait bâtir par Le Vau un petit pavillon symétrique à la Ménagerie par rapport au Grand Canal. Si le veux petit château de Louis XIII, symbole de ses amours et fêtes de jeunesse, disparaît sous les travaux de Louis XIV, celui de Trianon sort de terre, nouveau témoin d’un nouvel amour, un endroit où s’éloigner de la Cour. Dès 1670, Le Vau entame la construction d’un château de plein pied, entièrement recouvert de carreaux de faïence de Delft, bleus et blancs, travaillés à la chinoise. Les sols intérieurs sont recouverts de céramique. Les murs, eux, sont couverts de stuc bleu et blanc. Ce petit bijou prend le nom de Trianon de Porcelaine. Le Vau, artiste de génie, construit l’édifice en quelques mois, un temps record. Le petit château est bâti avec un salon central entouré de deux appartements : de Diane et des Amours. La majorité du mobilier est peinte en bleu et blanc. En 1671-1672, Louis XIV fait installer un Cabinet des Parfums. De 1670 à 1672, le Roi fait aménager les jardins de Trianon avec des variétés très surprenantes, notamment des orangers et du jasmin. En 1674, il « recrute » un jardinier spécial pour Trianon, Le Bouteux, avec pour mission de fleurir le jardin, même en hiver. Trianon sera le lieu privilégié des fleurs, avec une apogée sous Louis XV.
Avec les années, l’amour du Roi pour la Marquise s’émousse. Il finit par s’éteindre avec l’Affaire des Poisons et, bien que Mme de Montespan soit toujours à Versailles, elle n’est plus favorite. Dans un premier temps, Louis XIV veut conserver son Trianon de Porcelaine. En effet, en 1683, les comptes attestent des dépenses d’entretien encore réalisées « pour les ornements et rétablissements de peintures qu’il [le peintre Bailly] fait aux combles des pavillons ». Le Roi aime beaucoup ce petit château où il peut s’éloigner de la Cour et se reposer en famille. Sous l’influence de son épouse, Mme de Maintenon, il cède à la tentation. A l’hiver 1686-1687, il ordonne de raser ce témoin de sa relation avec la Marquise, pour le remplacer par un petit palais de pierre et de marbre. C’est Hardouin-Mansart qui en est l’architecte. Il peut enfin y aller en novembre 1688 et y dîne pour la première fois le 22 janvier 1689. Les travaux sont toujours en cours, mais les séjours de Louis XIV augmentent, comme les fêtes, bals et soupers, ainsi que les représentations théâtrales. La décoration, les sculptures des boiseries et balcons, les rampes extérieures du Cabinet des Glaces et de Trianon-sous-Bois sont finies en 1689. Le mobilier, quant à lui, est installé fin 1688.
L’appartement du Roi se trouve côté parterre et Canal. Il est achevé en 1692 et collé au Cabinet des Glaces (ou du Conseil), où Louis XIV tient son Conseil. Il a vu sur toute la culture d’orangers située de part et d’autre du bassin en Fer à Cheval. La chambre du Roi est, en 1700, agrandie et dorée de la décoration de colonnes corinthiennes. De l’autre côté du péristyle se trouve l’appartement de Réception. Il inclut les pièces suivantes : Salle de la Musique, Antichambre des Jeux, Chambre du Sommeil, Cabinet du Couchant, Salon-Frais et Salon des Sources. On y trouve aussi l’appartement de Mme de Maintenon, composé de la Chambre des Fleurs, du Cabinet de Repos et du Cabinet du Levant. Enfin, on y trouve le Buffet, le Salon des Colonnes et la Comédie.
Une grande galerie longe le parterre haut et aboutit au Salon des Jardins, suivi du Billard, qui marque le début de l’aile de Trianon-sous-Bois, littéralement bordée d’arbres. Cette aile abrite le séjour des princesses et dames de la Cour. C’est aussi la seule partie du château qui dispose de deux étages, le reste étant de plain-pied.
En 1703, Louis XIV quitte l’aile du Midi et s’installe dans la pièce de la Comédie. Son fils reprend son ancien appartement. Ainsi, le Roi se rapproche de sa femme ; leurs appartements donnent sur le Jardin du Roi, un espace clos, collé au Jardin des Sources, qui va jusqu’au bout de l’aile de Trianon-sous-Bois et dont Louis XIV et Le Nôtre étaient très fiers. Il sera supprimé sous le Premier Empire.
Les jardins de Trianon sont un ensemble floral très fourni (près de 96.000 pieds sont plantés) et très odorant. Les variétés sont multiples et les odeurs parfois entêtantes, ce qu’a relaté Saint-Simon, dont l’épouse s’est rendue plusieurs fois à Trianon. Ces plantes sont interchangeables, le but étant de modifier le « visage » des jardins selon les envies du Roi. Les fleurs sont disposées dans des pots en grès que l’on met en terre, ce qui facilite les changements. On pouvait, à l’époque, utiliser jusqu’à 900.000 pots pour changer les plantes des jardins.
2) Louis XV Quand Louis XIV décède en 1715, Trianon est délaissé. Seule la visite du Tsar Pierre le Grand, en 1717, redonnera un semblant de vie au lieu. Dans un premier temps, Louis XV délaisse le Grand Trianon. En revanche, Marie Leszczynska adore ce petit château et semble l’avoir reçu en cadeau de son mari. Son père, Stanislas, y réside quand il vient à Versailles. La Reine occupe l’appartement jadis habité par Monseigneur dès 1703, côté Canal. Elle le fera décorer avec goût.
C’est plus tard, vers 1750, que le Roi s’intéresse à Trianon, alors qu’il sera épris de Mme de Châteauroux. Il va visiter les lieux et les jardins et déjà des projets lui viennent en tête, il les partage avec Gabriel. Au début, ce sont de simples travaux de réparations et d’entretien, le palais étant peu habité. Mme de Pompadour va elle aussi tirer parti de ce domaine. Louis XV reprend le dernier appartement de Louis XIV et donne celui de Mme de Maintenon à Mme de Pompadour. Ils transforment peu les lieux mais les embellissent.
Ce qui attire le plus le Roi, comme Louis XIV avant lui, ce sont les jardins. Louis XV se passionne pour la botanique. Il fait remettre les jardins en état et prévoit de les développer à grande échelle : jardin fleuriste, potager, ménagerie et serres chaudes. On voit aussi sortir de terre une laiterie ainsi que le Pavillon du Jardin-Français, achevé en 1750, comme les parterres de la Ménagerie. De 1751 à 1753, un Salon-Frais est bâti, cerné de treillages et de verdure. Louis XV admire son jardin à l’anglaise, sa ferme, sa laiterie, ses ménageries et pavillons, et ce bien avant Marie-Antoinette ! De tout ceci, il ne reste presque rien. Le Pavillon-Frais est délaissé, il tombe en décrépitude. Les plombs du toit sont volés en 1793, le plafond s’effondre. Boiseries et glaces sont déposés. Il finira par être rasé en 1810. Il sera reconstruit à l’identique entre 1980 et 2010. Les serres et jardins sont sous la surveillance attentive des jardiniers Richard, père et fils, et du botaniste Jussieu. Comme son arrière-grand-père, Louis XV se passionne pour les plantes rares. Il fait cultiver pêches et ananas, qu’il affectionne beaucoup. Avant même la construction du Petit Trianon, ses jardins existaient déjà.
Toutefois, les serres sont assez éloignées du Grand Trianon et Louis XV doit faire beaucoup d’allers et retours afin de veiller sur ses plantes. Mme de Pompadour lui souffle alors l’idée d’un petit château en plein milieu de son jardin botanique, qui lui permettrait d’être au cœur de celui-ci, à volonté. Elle cherche à le distraire et, pour elle, un tel endroit serait parfait pour divertir son royal ami. Ainsi naît l’idée du Petit Trianon.
3) L’après-monarchie Louis XV, qui préfère le Petit Trianon, finit par délaisser le lieu. Marie-Antoinette l’imite et ne donnera que quelques fêtes au Grand Trianon, qui est tout de même rénové en 1780. Après l’Ancien-Régime, le château est donc laissé dans une sorte d’abandon. Durant la Révolution, il est, comme son petit frère et le Hameau, occupé et fortement dégradé. C’est avec l’Empire que renaît ce château de marbre. Napoléon le fait restaurer, ce qui est détruit et abîmé est réparé. Le péristyle qui relie les deux parties du bâtiment est fermé par des vitres, afin que Marie-Louise, qui y réside souvent, ne soit pas victime des courants d’air. L’Empereur apprécie ce petit château et y vient relativement souvent, tout en préférant les Tuileries. Lors de la Restauration, Louis XVIII et Charles X n’y séjournent jamais et aucun travail de rénovation n’est entrepris. Charles X y passe seulement quelques jours, une courte halte alors qu’il part en exil vers l’Angleterre.
C’est avec Louis-Philippe que le Grand Trianon renaît. Décidant d’y habiter régulièrement afin de surveiller l’avancée des travaux faisant de Versailles un musée, le Roi des Français fait remettre Trianon au goût du jour et y séjourne souvent avec sa famille. Trois de ses enfants, Louise, Marie et Ferdinand, y célèbrent leurs noces. Véritable roi bourgeois, Louis-Philippe fait installer, entre autres, le grand salon jaune où il passe des après-midis ou soirées en famille. Une moitié de la salle est dédiée aux hommes, l’autre aux femmes. Deux tables rondes sont situées chacune dans une moitié. Celle des dames comporte des tiroirs numérotés, chacune le sien, et renferme les travaux d’aiguilles de celles-ci !
Durant le Second Empire, le château retombe dans l’obscurité. La vie ne va revenir qu’après la Première Guerre Mondiale. La paix avec la Hongrie est signée dans le Grand Trianon en 1920. Néanmoins, il ne va être utilisé pour la République que bien plus tard, sous De Gaulle. Initialement, il souhaitait en faire une résidence présidentielle. Mais les frais nécessaires à sa remise en état étaient trop élevés. Il opte alors pour une restauration et demande une mise aux normes de la seule aile de Trianon-sous-bois. Il y résidera et y fera résider ses invités, lors visites diplomatiques de dirigeants étrangers, notamment Elizabeth II ou Ronald Reagan. De Gaulle est le dernier Président à y avoir séjourné et sa chambre est restée telle quelle. Détail marquant, les dimensions de son lit et de celui de son épouse. Particulièrement grand, le Général a commandé un lit très long, et celui d’Yvonne de Gaulle, jumeau, a la même taille.
II) Le Grand-Parc Louis XIV a racheté bon nombre de terres autour de ce qu’on appelle aujourd’hui le Parc. Ce Grand Parc de chasse faisait environ 8.600 hectares, soit dix fois plus qu’aujourd’hui. Il incluait plusieurs villes et villages : Noisy, Galy, Choisy-aux-Bœufs, Bouchevilliers, Vélizy, Chaville (reliant ainsi les parcs de Versailles et de Meudon et permettant ainsi d’abattre le mur qui les séparait), Verrières, etc. La limite nord est Marly, le parc contourne Villepreux, intègre Bois-d’Arcy, s’arrête avant Trappes, inclut Bailly, Noisy, Rennemoulin, Fontenay-le-Fleury, Saint-Cyr, Guyancourt et Villaroy. De grandes routes sont créées dans ce vaste espace, notamment deux qui sont marquantes du fait de leurs tracés : une qui va vers l’Ouest depuis la grille royale au bout du Canal jusqu’à Villepreux ; et une qui prolonge l’avenue de Paris jusqu’à Vélizy. De Villepreux à Vélizy, en longeant cet immense tracé, on a une ligne droite de plus de trois lieues, qui relie d’Ouest en Est-ce Grand Parc de Louis XIV. On bâtit des remises à gibier un peu partout dans le parc, ainsi que des faisanderies, chargées de fournir le Roi en proies pour la chasse, une de ses passions. On en trouve notamment dans la plaine de Saclay, à Guyancourt et Toussus-le-Noble. Une faisanderie est créée en 1678 au Parc-aux-Cerfs, agrandi pour l’occasion, ainsi qu’une autre au Vésinet. La Révolution a eu raison de cet immense espace et peu à peu le parc s’est rétréci, jusqu’à avoir son contour actuel.
Les murailles encerclant cet immense parc coûtent en maçonnerie 347.000 livres. Son périmètre était de quarante-trois kilomètres. Sur les vingt-quatre pavillons qui figuraient sur cette muraille, il en reste encore quelques-uns, plus ou moins bien conservés. Voici la liste de ces 24 portes cochères à pavillon : Porte de Buc (Versailles), Porte de la Boulie (Jouy-en-Josas), Porte de Jouy ou de la Bièvre (Les Loges-en-Josas), Porte des Loges (Les Loges-en-Josas), Porte de Trousalé (Toussus-le-Noble), Porte de Toussus (Toussus-le-Noble), Porte de Châteaufort (Châteaufort), Porte de Mérantais (Magny-les-Hameaux), Porte de Voisins (Voisins-le-Bretonneux), Porte de Montigny (Montigny-le-Bretonneux), Porte de Trappes à Paris (Trappes), Porte de Trappes Villepreux (Trappes), Porte de Pissaloup (Les Clayes-sous-Bois), Porte de Val-Joyeux (Villepreux), Porte de Villepreux (Villepreux), Porte Saint-Vincent (Villepreux), Porte de la Cerisaye (Saint-Nom-la-Bretèche), Porte de la Tuilerie-Bignon (Saint-Nom-la-Bretèche), Porte de Versailles (Bailly), Porte de la Croix-Saint-Philippe (L’Etang-la-Ville), Porte de la Lauberderie (Marly-le-Roi), Porte de Marly (Marly-le-Roi), Porte de Noisy (Noisy-le-Roi), Porte de Rocquencourt (Rocquencourt), Porte de Paris (Saint-Nom-la-Bretèche), Porte de Saint-Nom (Saint-Nom-la-Bretèche), Porte de Saint-Vincent (Saint-Nom-la-Bretèche), Porte de la Tuilerie (Saint-Nom-la-Bretèche), Porte de Bailly (Versailles), Porte du Cerf-Volant (Versailles), Porte de Maintenon (Versailles), Porte de Saint-Antoine (Versailles) et Porte de Saint-Cyr (Versailles).
III) Le Grand Canal Son aménagement est commencé en 1667, la construction débute dès 1668 avec un premier tracé. Il est, comme le reste du domaine, installé sur un ancien marécage, et ses travaux s’avérèrent complexes. Il croise, à son extrémité ouest, le ru de Gally, qui lui sert de source. Il est également alimenté par l’eau des fontaines des jardins, celle-ci, avec le dénivellement du terrain, descendant jusqu’au Canal. Un système hydraulique, avec des moulins, permettait ensuite de remonter l’eau jusqu’au toit de la Grotte de Thétis, puis, quand celle-ci fut détruite, jusqu’au réservoir situé dans l’Aile Nord. Long d’un kilomètre cinq, large de soixante-deux mètres, il est en forme de croix, rappelant le Roi Très-Chrétien, nom donné aux monarques français, la France étant fille aînée de l’Eglise. Son axe principal prolonge l’axe est-ouest du château, sur lequel sont déjà le Bassin d’Apollon et celui de Latone, jusqu’à la grille d’Honneur.
Les travaux du Canal se font en deux étapes. En 1668, 200.000 livres sont dépensées pour préparer un premier bassin fonctionnel. Colbert veut sensibiliser le Roi à la Marine. Aussi, il organise dès 1669 une flottille en créant des répliques de bateaux français et du monde entier, en version réduite : un brigantin, décoré de brocard bleu, or et argent ; trois chaloupes, chacune décorée d’un damas uni (bleu, jaune et vert) ; une felouque napolitaine au damas violet ; une chaloupe biscayenne au damas rouge ; une petite chaloupe verte et blanche avec brocart argent ; une petite chaloupe rouge et damas rouge brodé d’or ; et une petite berge pour Monsieur et Madame, dont la garniture de velours est brodée à leur chiffre. La même année, une galiote s’ajoute à la flotte tandis qu’une deuxième est en construction avec un gros vaisseau, véritable navire de guerre miniature. Richement décoré et aménagé, il dispose de son propre équipage. Ces bateaux serviront, outre le transport des courtisans jusqu’au Grand Trianon, à organiser des fêtes somptueuses. En hiver, l’étendue d’eau étant gelée, la Cour s’en servait de patinoire. La flotte du Grand Canal devient rapidement prestigieuse, au point que les pays étrangers veulent avoir leur propre réplique. Pour Louis XIV, au-delà du message politique évident, c’est l’occasion de rivaliser avec l’Angleterre en développant l’industrie navale française.
En 1670, on crée une rampe d’accès entre le Canal et Trianon. En 1680, une rampe identique est toujours en travaux du côté de la Ménagerie. Au vu de la flotte très importante et dans l’optique de faire des promenades en bateau jusqu’à Trianon d’un côté et la Ménagerie de l’autre, on projette dès 1671 de prolonger le Canal et d’y ajouter deux bras. C’est alors la deuxième étape de construction du Canal, qui démarre la même année, pour un coût de 696.000 livres, auxquelles s’ajoutent 264.000 livres en 1672. Deux gros chevaux marins, montés par des enfants, sont sculptés par Tuby pour orner le Canal à sa tête, proche du Bassin d’Apollon.
La flotte du Canal ne cesse de s’agrandir. En 1677, six chaloupes sont amenées de Rouen via la Seine, puis dorées, sculptées et couvertes de damas, chacune d’une couleur : rouge, bleu, vert, jaune, blanc et aurore. En 1679, une galiote dorée rejoint les effectifs déjà présents, suivie d’une autre en 1682, d’un « yack » la même année, d’un vaisseau en 1685, d’une galère et d’un heu hollandais en 1686, d’une gondole et d’une piotte en 1687. En 1681 et 1682, on installe des pontons d’embarquement et un radoub.
A l’origine, les équipages venaient de Poissy, du Pecq ou de Saint-Cloud. Ils finissent par être remplacés par un équipage fixe. En 1684, on compte un capitaine, un lieutenant, un maître, un contre-maître, onze matelots, six gondoliers (dont quatre vénitiens), huit charpentiers, deux calfats et des scieurs de long. La même année, on crée de nouveaux logements à la Petite Venise. L’année suivante, 260 hommes (3 compagnies venues de Flandre) viennent compléter ces équipages et sont affiliés aux frégates. Le logement des marins coûte cher, par exemple 5.600 livres en 1673. Va alors être construit un mini village de matelots, appelé la Petite Venise, en hommage au Doge qui vient d’offrir à Louis XIV deux gondoles dorées et somptueuses, ainsi que quatre gondoliers vénitiens. Aujourd’hui, il ne reste quasiment plus rien de cette flottille.
Durant la Révolution, le Grand Canal est comblé, on s’en sert alors comme d’un champ. C’est Louis XVIII qui, lors de la Restauration, le fera de nouveau creuser et lui rendra son aspect originel.
IV) La Ménagerie Au bout Sud du Grand Canal s’élevait la Ménagerie Royale. Un petit palais dans un domaine rempli de plusieurs espèces animales rares. Louis XIV vient à peine de prendre le pouvoir, Versailles n’est pas encore celui de l’apogée du règne, encore moins celui que nous connaissons aujourd’hui. Pourtant, une de ses premières décisions a été de faire construire cette Ménagerie entre 1662 et 1668. Passée la grille d’honneur, on arrive dans un bâtiment qui tient presque du petit château. L’extrémité est un pavillon octogonal, entouré d’une cours de même forme. Tout autour se trouvent plusieurs enclos séparés. Un premier étage permet aux visiteurs d’admirer des animaux encore inconnus en Europe et provenant des quatre coins du monde. Différents types d’animaux sont élevés dans la Ménagerie : les animaux paisibles (grands oiseaux, pélicans, aras, perroquets, etc.) ; les animaux féroces (ours brun, entre autres) ; les animaux rares et exotiques (autruches, casoars, dromadaire, éléphant, crocodile, etc). Chose rare à Versailles, l’ensemble a été rasé, il n’en reste aujourd’hui qu’un petit pavillon et une guérite. Louis XIV fait de sa Ménagerie un passage obligé de ses fêtes et visites du jardin. C’est aussi un projet politique : le plus grand Roi du monde a dompté et règne sur des animaux exotiques venus du monde entier ! La Ménagerie permet aussi de développer une science nouvelle. Les animaux, très nombreux et à forte mortalité, sont naturalisés et étudiés. A la tête des lieux se trouve Claude Perrault, le frère de Charles, ami de Colbert. Il va superviser les travaux scientifiques exécutés à la Ménagerie, mais aussi l’apport en animaux venant de partout. On dissèque les créatures mortes, on note ce que l’on voit, on dessine, on comprend. C’est la naissance de la zoologie, mais aussi de l’anatomie spectacle : la Cour se presse à des séances de dissection publique !
Vers la soixantaine, le Roi se lasse de sa ménagerie et l’offre à la Duchesse de Bourgogne, femme de son petit-fils, âgée de douze ans. La Princesse raffole de l’endroit et y organise des après-midis de repos et de divertissements. Pour elle, Louis XIV fait créer un jardin particulier et une nouvelle laiterie. Beaucoup de travaux sont entrepris en 1698 afin de la satisfaire. Le Roi veut moderniser et rajeunir les lieux, dans un style proche de ce que l’on verra plus tard sous la Régence. « Il faut de l’enfance répandue partout », écrit-il à Mansart. Quand elle décède en 1712, la Ménagerie tombe en déclin. Le Régent, qui installe le pouvoir à Paris durant la minorité de Louis XV, ne s’y intéresse pas. Le jeune souverain ne s’y rend qu’une seule fois lorsqu’il reçoit un rhinocéros et un lion, mais il la délaisse à son tour, lui préférant celle située dans le parc de Trianon. Les lieux sont délabrés, presque en ruine, quelques animaux sont en quasi-liberté.
Plan de la Ménagerie sous Louis XV
Louis XVI ne s’intéresse pas beaucoup à la Ménagerie, qui reste toutefois appréciée de la Cour. Les décors créés pour la Duchesse de Bourgogne sont rénovés en 1787, mais le Roi songe déjà à envoyer les animaux encore présents au Museum d’histoire naturelle de Paris. Quand la Révolution éclate, les bêtes toujours présentes sont mangées ou vendues. En 1793, il ne reste que cinq rescapés du massacre, envoyés à Paris. On peut encore y voir aujourd’hui le rhinocéros empaillé de Louis XV.
Sieyès récupère le domaine en 1800, qui sera rasé.
V) L’Orangerie Louis XIV, fin gourmet, raffole des oranges, arrivées en Europe au XVe siècle. Il possède déjà une Orangerie, bâtie par Le Vau en 1663. Mais celle-ci ne lui convient plus et, dès 1678, le Roi commande un nouveau bâtiment, plus imposant, à Jules Hardouin-Mansart. Dès 1678, Louis XIV a le projet de l’agrandir à la mesure du château. Un projet, présenté en 1683 séduit le monarque, qui donne son aval. L’Orangerie est bâtie sous le Parterre du Midi, qui a été agrandi. Le bâtiment fait cent-cinquante mètres de long et possède de nombreuses fenêtres faisant entrer la lumière, ce qui a permis d’y cultiver les oranges, mais également d’autres plantes, tout au long de l’année. Un parterre se trouve devant, séparé de la Pièce d’eau des Suisses par la route menant à Saint-Cyr. L’Orangerie est achevée en 1685 et le souverain souligne la beauté de l’endroit, entouré des deux escaliers dit des « Cent-Marches ».
L’Orangerie devient une prison en 1792. Ce sera à nouveau le cas en 1871 après la défaite de Sedan. Aujourd’hui, outre les oranges, exposées sur le parterre à la belle saison, le bâtiment accueille quelques expositions et des bals costumés. A son entrée se trouve une baignoire en marbre ayant appartenu à Mme de Montespan dans son appartement des bains.
VI) La pièce d’eau des Suisses La Pièce d’eau des Suisses est un vaste étang créé en face de l’Orangerie, dont elle est séparée par la Route de Saint-Cyr. Sa création a deux objectifs : assainir la zone marécageuse qui va du Sud du parc à la colline de Satory ; et prolonger la perspective du parterre de l’Orangerie en un miroir d’eau.
Elle est construite en deux étapes. La première débute en 1679 et consiste au creusage d’un bassin octogonal par les gardes Suisses, qui lui laisseront leur nom. Agrandi en 1681, il est une nouvelle fois remanié l’année suivante, avec l’ajout de ses extrémités en arc de cercle. La seconde a lieu en 1687 et consiste à l’agrandir encore.
Perspective du Bassin de l’Orangerie et de la Pièce d’eau des Suisses en arrière-plan
Ce bassin, profond d’un mètre-quatre-vingt-dix, mesure six-cent-quatre-vingt-deux mètres par deux-cent-trente-quatre, soit une surface totale d’environ douze hectares, autour de laquelle sont plantés des arbres. Au bout, côté sud, se trouve une statue de Louis XIV par Girardin, longée aujourd’hui par une voie ferrée.
VII) Le potager du Roi Sous le règne de Louis XIV se développe une nouvelle science : l’horticulture. Le monarque, qui a déjà un potager, le juge insuffisant. Dès 1679, Louis XIV lance l’aménagement de celui qui va le remplacer. Jean-Baptiste La Quintinie, son jardinier, va le créer, aidé de Jules Hardouin-Mansart pour les bâtiments et terrasses. Les deux premières années, il coûte, rien que pour les murs qui délimitent le terrain, 177.000 livres par an. Les travaux durent jusqu’en 1685. Ce potager de neuf hectares a été construit proche de l’étang puant, une zone marécageuse vaste. On va drainer les lieux et remblayer ensuite avec la terre sortie lors du creusement de la pièce d’eau des Suisses et du Grand Canal.
Le potager est divisé en plusieurs zones. Au centre se trouve un bassin imposant, tout autour sont répartis des petits jardins. Les murs protègent le potager des éventuels voleurs, mais aussi du vent et permet de conserver la chaleur en journée. L’entrée entre le potager et la Pièce d’eau des Suisses, située juste à côté, est composée d’une grille en fer forgé, qui existe toujours aujourd’hui. Cette pièce d’eau, nous l’avons vu, sert au drainage du potager, qui produisait les fruits et légumes servis à la table du Roi. En 1682, Louis XIV fait bâtir des maisons pour son jardinier en chef, La Quintinie, et pour les autres jardiniers.
La Quintinie, voulant satisfaire son souverain, va créer un système de couche sourde permettant de garder la chaleur sur une culture. Une couche sourde est une culture enterrée au raz de la terre, sur une couche de fumier et parfois recouverte d’une chape de verre, afin de conserver la chaleur et donc d’optimiser la pousse des plantes. Ainsi, il parvient à faire pousser des asperges en plein mois de décembre et des fraises en avril ! Friand de figues, Louis XIV demande à La Quintinie de lui en faire pousser. Il va instaurer une figuerie, comme l’Orangerie, permettant d’en récolter de mai à décembre. Pour déplacer les sept-cents arbres de la figuerie, mais aussi les orangers, on utilise un système créé par Valentin Lopin, une sorte de chariot à roulettes. Le potager est une fierté pour Louis XIV qui aime s’y promener régulièrement, mais aussi une source de développement scientifique majeur en termes de botanique. Bientôt, on y cultivera des ananas et du café. Aujourd’hui, ces produits sont vendus sur le marché (tandis que ceux de Trianon sont réservés aux professionnels de la gastronomie) et le potager est accessible au public. Il a également accueilli, depuis la Révolution, plusieurs écoles, notamment l’Ecole Nationale d’Horticulture.
5) Le talent de Le Nôtre Que seraient les jardins dans leur créateur, André Le Nôtre ? Il est intéressant de se pencher sur son travail. Le Nôtre est Contrôleur Général des Bâtiments du Roi, jardinier du Roi et proche des milieux scientifiques. Son grand-père était jardinier du Roi, de même que son père qui était, en outre, dessinateur des jardins du Roi. Il est sans doute l’un des plus grands amis de Louis XIV. Ils partagent la même passion pour les collections de peintures, de bronzes, de médailles. Les deux hommes se connaissent et se comprennent. Le Nôtre est célèbre tant pour ses parterres et ses bosquets, que pour ses perspectives inégalées, ses grands axes et notamment le principal, celui qui part du château et va au-delà du Grand Canal. Le Nôtre connaît le même problème que les architectes : trois kilomètres de perspective, trente mètres de dénivellation. C’est un souci récurrent en Ile-de-France : de vastes étendues et des reliefs peu prononcés. Il joue sur des effets d’optiques et d’anamorphose, qui sont des techniques mathématiques. Par exemple, l’anamorphose permet de réduire l’effet rapetissant des éléments les plus éloignés.
Le point de départ de la perspective est au centre de la Cour Carrée. De là partent deux lignes qui vont épouser les coins internes des parterres d’eau, les extrémités du Bassin de Latone, celles du Bassin d’Apollon puis celles du début du Grand Canal, jusqu’à son centre et à sa fin. Plus on s’éloigne, plus les figures géométriques (ici en l’occurrence les bassins) sont agrandies. Aussi, vus de loin, les bassins ont tous l’air d’avoir la même taille. Le Nôtre organise la perspective de telle manière qu’il faut s’avancer vers les jardins afin de les découvrir petit à petit. Tout d’abord, on voit le bout du Grand Canal qui s’étire. Ensuite c’est le Bassin d’Apollon, le Tapis Vert qui apparaît d’abord comme un carré puis qui s’étire. Enfin arrive le Bassin de Latone, que l’on ne découvre qu’une fois au bout de la terrasse.
6) Le réseau hydraulique et le manque d’eau Nous l’avons vu, Louis XIV aime ses jardins qui constituent une superbe vitrine de son pouvoir et du savoir-faire de ses artisans. Le spectacle des eaux, la hauteur des jets, la profusion de l’eau sont autant de symboles de la puissance du Roi, mais aussi de véritables prouesses techniques et scientifiques. Il raffole également des fontaines et des bassins, qu’il voudra toujours en plus grand nombre. Mais voilà, contrairement à Vaux, en contrebas d’une rivière, Versailles est sur une colline à cent-quarante-deux mètres au-dessus du niveau de la Seine, loin de toute source d’eau qui permettrait de les alimenter en permanence. Un véritable bras de fer entre l’or bleu d’un côté et Louis XIV et ses architectes, jardiniers et scientifiques de l’autre, va débuter. Il va durer tout au long du règne et même après, puisque ce souci d’alimentation aquatique va toucher l’ensemble du domaine. Marie-Antoinette elle aussi rencontrera des difficultés pour remplir les lacs artificiels de son Hameau.
Au moment où Louis XIV commande la construction de l’enveloppe de Le Vau, on crée le réseau hydraulique de trente kilomètres de long qui va alimenter les jeux d’eau. Il s’agit d’un véritable parcours sous-terrain sous les jardins qui existe encore en grande partie aujourd’hui. D’abord en bois ou en terre cuite, les tuyaux étaient poreux et fuyaient. On les remplace alors par ses morceaux de tuyaux d’un mètre de long en fonte, joints les uns aux autres car impossibles à courber. Les raccords en cuivre sont travaillés au niveau de leur épaisseur afin de permettre les virages des tuyaux. D’autres sont fabriqués en plomb, comme sous le bassin de Latone et ses soixante-quatorze fontaines, car c’est un matériau plus malléable que la fonte.
La machine de Denis Jolly Au bout de l’aile Nord se trouve un réservoir qui stocke l’eau dont les premières fontaines ont besoin. A cette période, on pompe l’étang de Clagny, en contrebas du château, alimenté par les eaux de drainage des forêts environnantes. Or cet étang se trouve en-dessous de dix mètres des fontaines de Versailles. Pour la remonter, on utilise un système de pompe activée par un cheval, ce qui permet de récupérer six-cents mètres cubes d’eau. Entre 1664 et 1667, cette pompe coûte plus de 300.000 livres. Rapidement, on se rend compte que ça ne suffit pas. On fait alors appel à Denis Jolly, Intendant des fontaines, qui décuple ce système en créant un double manège de plusieurs chevaux, permettant d’activer une pompe plus puissante. L’eau est propulsée dans un château d’eau situé au-dessus de la pompe de Denis Jolly.
Vue du parterre Nord, des réservoirs et de la pompe de Versailles, par Adam Pérelle
Malheureusement, là encore ça ne suffit pas en quantité et il fait construire un nouveau réservoir situé au nord du palais : la Grotte de Thétis. A cela s’ajoutent des moulins à vents qui pompent toujours l’eau de l’étang de Clagny grâce à une chaîne, actionnée par le vent, qui entraîne des godets emportant l’eau jusqu’à un réservoir rallié au réseau principal. Ce réseau continue sous la terrasse du château où se trouve un énorme réservoir. Créé en 1672 par François Francine, Intendant des fontaines du Roi, il peut accueillir jusqu’à trois-mille-quatre-cents mètres cubes d’eau, soit une hauteur d’un mètre quatre-vingts. Vide en hiver, il alimente les fontaines via le trop-plein d’eau du bassin des terrasses. Ce trop-plein coule par un trou appelé une marquise et remplit ainsi le réservoir. Grâce à un système de tuyaux, l’eau s’écoule par gravité jusqu’aux fontaines. Son propre poids et la taille du tuyau vont permettre d’obtenir un jet d’eau plus ou moins haut et plus ou moins puissant. A son tour, cette fontaine va être le réservoir de la fontaine suivante, et ce sur deux à quatre étages plus bas dans le parc. Les architectes ont rivalisé d’ingéniosité en utilisant le dénivelé naturel du terrain pour créer ce système de paliers.
Quand toutes les fontaines sont activées en même temps, ce sont près de six-milles mètres cubes d’eau par heure qui s’écoulent, soit l’équivalent de deux piscines olympiques. Sous Louis XV, ce spectacle dure deux heures et demie et consomme 9.458 mètres cubes d’eau, alors que plusieurs bosquets ont déjà été supprimés. Et quand les fontaines fonctionnent « normalement », de huit heures du matin à vingt heures le soir, pendant la belle saison, c’est 12.960 mètres cubes d’eau qui s’écoulent. Louis XIV, qui aime contempler le spectacle de ses fontaines, est furieux de constater que la puissance des jets est insuffisante.
Le système de Denis Jolly est efficace, mais pas assez. Louis XIV veut montrer sa puissance et dominer la nature ; il attend donc que les architectes, les artisans et les scientifiques se surpassent pour mener à bien son grand projet d’un jardin à son image, avec plus de mille fontaines et jeux d’eau.
L’Abbé Picard et l’étang de Saclay L’étang et le réservoir de Clagny sont insuffisants. On crée alors trois gros réservoirs sous le parterre d’eau et on lance une campagne de travaux sur le plateau de Satory afin d’installer un autre réservoir. Il est fini en 1678, mais l’eau de la Bièvre se révèle rapidement insuffisante, elle-aussi. Deux étangs sont créés, celui de Trappes vers 1678 et celui de Bois-d’Arcy deux ans plus tard. Ce dernier sera comblé sous Napoléon Ier.
Colbert retient le projet de Pierre-Paul Riquet, Baron de Bonrepos, déjà connu pour avoir travaillé au percement du Canal du Midi. Il propose au ministre de détourner l’eau de la Loire et, grâce à un canal de plus de cent kilomètres, la ramener jusqu’à Versailles. Colbert est près d’accepter mais se ravise. Le projet coûte une somme colossale et il veut s’assurer qu’il est viable. En 1666, il a fondé l’Académie des Sciences. Parmi les scientifiques se trouve un astronome, l’Abbé Picard, auquel Colbert fait appel pour mesurer toutes les sources situées au-dessus de Versailles. Sa lunette micrométrique est un outil très précis et révolutionnaire. Grâce à elle, il établit que le lit de la Loire est cinquante-quatre mètres plus bas que Versailles. Le projet est abandonné et remplacé par un autre. L’abbé Picard et Gobert « poursuivent leurs prospections et travaux de nivelage sur tout le Sud de Versailles ». Le plateau de Saclay, plus haut de quinze mètre, est rempli d’une eau stagnante qui empêche toute culture. On va alors drainer la zone, pomper cette eau et s’en servir pour alimenter les fontaines. En 1681, on crée trois nouveaux étangs : le Trou-Salé, le Pré-Clos et Saclay, via la Bièvre et l’Yvette. L’eau est orientée vers un système de ruisseaux et rigoles artificiels, tout autour du plateau. L’étang de Saclay permet de stocker un million-deux-cent-milles mètres cubes d’eau. Pour rallier Versailles, Louvois, qui a succédé à Colbert, fait créer l’aqueduc de Buc, qui permet à un canal de traverser la vallée de la Bièvre. On installe deux grands réservoirs dit « de Gobert », à l’entrée de Versailles, au Parc-aux-Cerfs, entre 1682 et 1685, pour conserver cette eau durement ramenée. De nouveaux aménagements aboutissent à la création du réservoir de la butte de Picardie et du réservoir de Montbauron, entre les avenues de Paris et de Saint-Cloud, vers 1679-1680. L’eau commence à y arriver en 1685 grâce à une « machine » dite « Machine de Seine » et que l’on connaît mieux sous le nom de Machine de Marly.
Plan du réseau hydraulique alimentant Versailles
Tout cela coûte cher. Les dépenses liées à l’eau sont de 821.000 livres en 1678, 965.000 en 1679, 1.627.000 en 1680. Les travaux de « maçonnerie et remuement de terre », rubrique « aqueducs et étangs » des comptes, indiquent une dépense de 1.143.000 livres en 1684. En outre, le problème de cette méthode est qu’elle dépend entièrement des sécheresses et du climat en général. En outre, elle alimente uniquement la partie basse des jardins. Rapidement, les réserves manquent. Louis XIV a pris la décision d’installer sa Cour à Versailles, les jardins comportent mille-sept-cents fontaines que le réseau hydraulique ne peut alimenter. Il devient urgent et important de trouver une autre façon de ramener de l’eau jusqu’à Versailles.
La Machine de Marly Face à la situation, Louis XIV veut que l’on aille pomper directement de l’eau dans la Seine, au pied du coteau de Louveciennes. Ainsi naît la Machine de Marly, véritable défi scientifique pour l’époque, dont la construction débute en 1681. Pour la créer, il faut cent-milles tonnes de bois et dix-sept-milles tonnes de fer. La Machine mesure soixante-cinq mètres par soixante-trois. Elle est composée de quatorze roues (en référence à Louis XIV) de douze mètres de diamètre, qui actionnent deux-cent-cinquante pompes permettant de remonter l’eau de la Seine jusqu’à l’aqueduc de Louveciennes.
La déception est grande, puisqu’on espérait six-milles mètres cubes, on en n’a que trois-mille-cinq-cents. C’est une machine démesurée et très complexe, qui tombe sans cesse en panne, a des fuites et des casses mécaniques. Les dépenses liées à la Machine de Marly sont de 513.000 livres en 1682, 845.000 en 1683 (au lieu des 200.000 prévues) et 521.000 en 1684 : un véritable gouffre financier. Face à cet échec, on délaisse la Machine de Marly qui tombe dans l’oubli. Elle est détruite en 1810 et il n’en reste aujourd’hui qu’une canalisation le long du coteau de Louveciennes, un pavillon d’entrée et l’aqueduc.
Détourner l’Eure
Comme la Machine ne tient pas ses promesses, Louis XIV Louis XIV s’en détourne rapidement, elle sera surtout destinée à Marly. Il pense déjà à son projet de détourner l’Eure. Déjà une dizaine d’années plus tôt, avec Riquet, créateur du Canal du Languedoc, il avait songé à « une adduction de la Loire ». C’est sûr qu’à côté, « le projet de conduire une partie de l’Eure jusqu’à Versailles, en un canal, qui, selon Barbet, eût été navigable, semble presque raisonnable ». Louis XIV lance son projet en août 1684, lors de son Lever à Fontainebleau. Ce canal à ciel ouvert, une fois fini, doit faire quatre-vingts kilomètres de long. Le tracé du nouveau cours de l’Eure démarre à Pontgouin, vers Courville-sur-Eure. On doit bâtir un aqueduc pour traverser la zone de Berchères-la-Maingot et un autre pour relier la vallée de l’Eure à Maintenon. Pour Louvois, il faut créer un aqueduc de dix-sept mètres, de trois étages, de soixante-douze mètres de haut. Une création à la hauteur de Louis XIV. Vauban lui songe à utiliser la gravité et se servir de la pente pour faire ensuite remonter l’eau naturellement, une méthode moins onéreuse et plus facile d’entretien. On opte pour le plan de Louvois et cette idée pharaonique prend forme : dès 1685, un canal géant est creusé. Enfin, le cours d’eau doit continuer jusqu’à l’Etang de la Tour, près de Vieille-Eglise.
Entre 1685 et 1688, le coût moyen annuel est de 2 millions de livres, auxquelles s’ajoutent 870.000 livres en 1689 et quelques petites sommes durant les années suivantes, quand le projet commence à être abandonné.
Trente-six-milles ouvriers, vingt à vingt-cinq milles militaires, vingt régiments – on est en temps de paix, il ne faut pas les laisser oisifs – sont dirigés par Louvois et participent aux travaux supervisés par Vauban. Le souci est qu’il faut traverser la vallée de l’Eure au niveau de Maintenon, les terres de l’épouse morganatique du Roi. Il lui impose le passage de l’aqueduc au bout de son parc. Les conditions de travail sont difficiles, on parle de six-milles morts.
Le projet est abandonné au début de la guerre de la Ligue d’Augsbourg. Les soldats sont de nouveaux mobilisés et le budget dédié aux jardins passe après celui de la guerre. Pourtant, il avait bien avancé ! Les travaux sont déjà finis sur la partie ouest, vers Berchères. On garde le raccord avec Maintenon pour la fin et on aménage la zone de Rambouillet avec les étangs de la Tour, de Port-Royal et de Hollande. Seul l’aqueduc est un échec. Quand le conflit s’achève après neuf ans, les caisses du royaume sont vides et le projet ne sera jamais repris. Près de dix millions de livres, c’est le coût de la construction de ce projet inachevé, soit plus du dixième du coût total de Versailles. Aujourd’hui, la partie visible de l’aqueduc fait vingt-huit mètres de haut pour un kilomètre de long.
La quête de l’eau s’arrête ici. Pour compenser le manque, on instaure une technique savamment orchestré par les fontainiers du Roi. Lorsque le monarque arrive, on ouvre la fontaine concernée. Dès qu’il quitte le bosquet, on la referme et par un système de « clic », le fontainier prévient son collègue de l’arrivée imminente de Louis XIV dans le suivant. Le second fontainier va alors ouvrir sa fontaine, et ainsi de suite.
Malgré ce problème permanent de l’eau, Louis XIV a atteint son but : maîtrise des arts, de la nature et de la science. Il a marqué les jardins de Versailles de son empreinte et a su en faire, comme du château, un élément politique incontournable. Amoureux de cette nature qu’il avait dominée, il a rédigé une Manière de montrer les jardins de Versailles, permettant de découvrir ses jardins dans un ordre bien précis. A l’inverse, Louis XV n’aura quasiment aucun impact dessus. S’il fait légèrement modifier le Bassin de Neptune, il va se consacrer surtout sur le Petit Trianon et son jardin botanique, en féru de plantes et fleurs qu’il était. Louis XVI va, en cela, imiter son grand-père. Sous son règne est créée la Grotte des Bains d’Apollon. C’est la seule œuvre réalisée dans les jardins à cette période. Le monarque espérait pouvoir, selon la mode du temps, modifier les jardins à la française de Le Nôtre en jardins à l’anglaise, mais la nature même du sol ne le permit pas et le projet fut abandonné. En outre, Louis XVI, peu intéressé par les jardins, laissa à Marie-Antoinette toute latence pour aménager selon son goût le Petit Trianon, son jardin et le Hameau.
7) Sous Louis XV Louis XV se borne à respecter ce qu’a créé Louis XIV. Toutefois, les jardins demandent beaucoup d’entretien. Il va donc faire détruire le Théâtre d’Eau, dont il ne subsiste que les allées. Il fait aussi rénover les bassins des Saisons, le Parterre d’eau, le Bassin de Latone, la Pyramide, mais aussi la Pièce d’Eau des Suisses en 1762, ainsi que les Bosquets de l’Arc de Triomphe, des Trois-Fontaines, des Dômes, des Bains d’Apollon et du Labyrinthe.
L’entretien des jardins est très coûteux : en moyenne 18.000 livres par an, rien que pour les salaires des jardiniers et les frais d’entretien des allées. Celui des sculptures et des jardins coûte 1.700 livres par an. Ces montants n’incluent pas les coûts des jardins de Trianon, de la Ménagerie et du potager. Et, bien entendu, les coûts liés à l’eau, dans tout le domaine : parc, Canal, Trianon. L’eau concerne aussi l’entretien et la faible utilisation de la Machine de Marly, toujours en fonction, mais aussi les rigoles, les aqueducs et les réservoirs. Louis XV devra se résoudre, comme Louis XIV, à faire « avec ce qu’il a ».
8) Sous Louis XVI Durant les hivers 1774-1775 et 1775-1776, Louis XVI ordonne que tous les arbres du parc, centenaires, soient remplacés et replantés. C’est un travail colossale mais payant : en 1784, tout est achevé et tel qu’on le voit aujourd’hui. Côté bosquets, le Labyrinthe est détruit et remplacé par le Bosquet de la Reine, achevé en 1781. La même année, Louis XVI lance la rénovation du Bosquet des Bains d’Apollon. Là où sont le jardin du Dauphin et le bosquet d’Apollon, Louis XVI choisit de placer les anciens groupes créés pour la Grotte de Thétis et stockés jusque-là dans le bosquet des Dômes. Entre 1777 et 1781, un nouveau cadre est créé, mêlant grotte et ruines, afin d’accueillir ces statues. En dehors de ces changements, les jardins ne sont pas modifiés et Louis XVI reste fidèle au souvenir de son aïeul. En revanche, il prend soin de rénover et entretenir les jardins et canalisations des fontaines, ainsi que les réservoirs.
9) L’après-monarchie La Révolution a menacé fortement Versailles. On a projeté de raser le château, qui fut sauvé in extremis. Les jardins faillirent subir le même sort, mais le jardinier en chef du Roi, Louis Richard, petit-fils du jardinier de Louis XV et fils de celui de Marie-Antoinette, permit leur sauvetage. Ouverts au public, les jardins furent envahis de visiteurs peu scrupuleux et respectueux, qui dégradèrent l’endroit. Certaines lingères venaient même laver leur linge dans les bassins ! Avec l’Empire, le château et ses jardins restent dans l’ombre. Napoléon s’en soucie peu. Il faut attendre la Restauration pour que Louis XVIII fasse créer de nouveaux bosquets, notamment celui du Jardin du Roi. La chute des Bourbon et l’avènement de Louis-Philippe, puis celui de Napoléon III, n’eurent pas d’incidence sur les jardins, qui ne furent pas touchés.
Sous l’impulsion de Pierre de Nolhac, d’importants travaux de rénovation sont effectués, et les jardins n’en sont pas exclus. Fouillant les archives, il recherche toute information susceptible de l’aider à restaurer les bosquets et à leur rendre leur état d’origine, autant que faire se pouvait puisque nombre d’entre eux ont été détruits, modifiés ou réaménagés. Cette méthodologie de travail est toujours la même aujourd’hui, et les conservateurs se basent dessus pour entretenir jardins et canalisations. Enfin, plusieurs campagnes de replantation des arbres ont également eu lieu, tout au long de l’histoire des jardins.
Le parc concerne toute la partie boisée du domaine, le Grand Canal, ainsi que les deux Trianon, le Hameau de la Reine et la ferme attenante. Au sens plus large, il inclut également le château et ses jardins. Au total, il s’étend sur huit-cent-quinze hectares. Pour autant, aux grandes heures de Versailles, il était dix fois plus grand, incluant le domaine de chasse de Louis XIV, appelé « Grand-Parc ». Le parc actuel de Versailles démarre du Grand Canal, à la limite avec le Bassin d’Apollon. Il est délimité à l’est par les grilles de la Cour d’Honneur et par les villes de Versailles et du Chesnay. Au sud, il s’étend jusqu’aux plaines de Satory. Il comprend, à l’emplacement de l’ancienne Ménagerie, le siège de l’INRA, ainsi que La Lanterne, devenue résidence du Premier Ministre sous la Ve République, puis du Président sous Nicolas Sarkozy. Au nord, l’Arboretum de Chèvreloup, appartenant à la ville de Rocquencourt, marque sa limite. Enfin, à l’ouest, elle est située par la plaine de Versailles ainsi que la Ferme de Gally, anciennement comprise dans le Parc. Peu impacté par la Révolution, contrairement aux jardins, le parc est régulièrement replanté d’arbres. Aussi, en dehors d’un vieux saule du Hameau datant de Marie-Antoinette, aucun arbre du Parc n’a « connu » Louis XIV. La tempête de 1999, qui y a fait des ravages, a-t-elle aussi suscité une vague de nouvelles plantations.
I) Les jardins Les jardins de Versailles, appelés aussi Petit Parc de Versailles, commencent à l’Est avec le Parterre d’eau et s’étendent à l’Ouest jusqu’au Bassin d’Apollon. Au Sud ils s’arrêtent à la grille de l’Orangerie et au Nord ils vont jusqu’au Bassin de Neptune. Du temps de Louis XIII, les jardins sont minimes et ne connaissent pratiquement aucun changement, le Roi étant peu porté sur le sujet. Louis XIII chassait à Versailles, s’y réfugiait, mais les jardins n’étaient absolument pas sa priorité. Louis XIV, à l’inverse, les prend en passion. Ils sont plus soignés que le château et le Roi y apporte un soin quotidien. D’ailleurs, les travaux qu’il y entreprend vont bien plus vite que ceux du château. Ils ont une dimension politique et abritent les fêtes somptueuses du début du règne. Fier de ses jardins, le souverain rédigera une Manière de voir les jardins de Versailles, dans laquelle il guidera les visiteurs.
La première grosse construction est celle de l’Orangerie de Le Vau, en 1663. A la même période sont créés plusieurs bosquets qui sont le théâtre, en 1664, de la première fête donnée à Versailles (la dernière à Paris date de 1662), Les Plaisirs de l’Ile Enchantée. Officiellement dédiée aux deux Reines, elle est en réalité pour la favorite, Louise de La Vallière. Ces bosquets, ces fêtes et ces constructions ne sont que le début d’une série de réaménagements et d’agrandissements… Il y aura au total quatre périodes de travaux, en comptant les chantiers de 1662 à 1664. Entre 1665 et 1678 s’étend la seconde période de travaux. Louis XIV va ordonner, entre autres, la création de nombreux bosquets et fontaines. Mais les trois éléments principaux de cette vague créatrice sont la Grotte de Thétis, le Bassin de Latone et le Bassin d’Apollon. La troisième période créatrice de Louis XIV s’étend de 1679 à 1686. Si la précédente période était celle des créations de bosquets, celle-ci va se résumer à des agrandissements et modifications de ce qui existe déjà, ainsi qu’à la création du jardin selon Le Nôtre, ce grand « tapis vert » à la française qui fait la célébrité du panorama versaillais. A cela s’ajoutent des modifications du parterre d’eau, surplombant le Bassin de Latone, mais aussi la construction d’une nouvelle Orangerie, à la place de celle de Le Vau, et de quelques bosquets supplémentaires. Enfin, c’est durant cette période que la Grotte de Thétis est détruite, laissant sa place à l’Aile Nord du château. L’ultime période Louis-quatorzienne des jardins va de 1687 à 1715. C’est la période maigre des travaux d’aménagement des jardins. La guerre de Succession d’Espagne accapare le monarque, qui a moins de temps et d’argent à y consacrer. Il se contentera seulement, à la toute fin de son règne, de quelques modifications des bosquets et parterres déjà présents.
1) La Grotte de Thétis En 1664-1665 a lieu la construction d’un petit bâtiment quasi cubique qui sert de réservoir et qui abrite la Grotte de Thétis, là où se trouvent actuellement l’Aile Nord et la Chapelle. En 1665, on amène les coquillages et cailloux voués à décorer les lieux, pour un coût de 20.000 livres. La Grotte de Thétis est un hommage à Apollon et aux divinités marines. Elle abritait trois groupes de statues. Le principal est Apollon servi par les nymphes, représenté sous les traits de Louis XIV. Il était placé au centre de l’édifice, sur un socle et devant un soleil d’or situé sur le mur du fond. Sous les petites coupoles latérales étaient deux groupes plus petits représentant les Chevaux du Soleil, par Girardon.
Cette grotte se visitait au coucher du soleil. Orientée pleine ouest, elle recevait ainsi la lumière du soleil couchant qui se reflétait dans celui en or et éclairait ainsi l’ensemble. Les murs étaient recouverts de coquillages, de nacre et de perles. Une fontaine était au centre, de la première partie de la grotte, ainsi que des statues. Tandis que l’eau jaillissait, un orgue hydraulique reproduisait le chant des oiseaux.
En outre, son toit comportait un réservoir accueillant l’eau de l’étang de Clagny, permettant, avec le dénivellement du terrain, de fournir en eau les fontaines en contrebas. Les matériaux de la Grotte son fragile, leur entretien complexe. Elle est surtout un témoin des amours passées du Roi avec Louise, aussi Louis XIV opte pour sa destruction en 1684, ce qui permettra de construire l’aile Nord. Les trois groupes principaux sont placés dans le bosquet des Dômes en 1684. En 1704, ils sont installés dans le bosquet des Bains d’Apollon, sous Louis XVI. Les deux autres figures de marbre, Le Berger Acis et La Nymphe Galatée, seront envoyées au bosquet des Dômes en 1686. Aujourd’hui, les originaux sont très abîmés et stockés dans la Petite Ecurie, ce sont des copies que nous voyons dans les jardins.
2) Les Parterres Le Parterre d’eau Le château est surélevé par rapport à la terrasse car posé sur un socle. Il y a cinq marches entre le château et la terrasse, puis sept entre la terrasse et le parterre occidental, qui change de nom en 1672 et devient le Parterre d’eau. Il sera vraiment achevé en 1685. Ces deux grands lacs reflètent la lumière qui vient éclairer la Galerie des Glaces. Ils servent également de réservoirs pour les autres bassins et fontaines du parc. Ils sont entourés chacun de « quatre figures de bronze figurant les fleuves et les rivières de France : La Loire et Le Loiret (par Thomas Regnaudin), Le Rhône et La Saône (par Jean-Baptiste Tuby), La Seine et La Marne (par Étienne Le Hongre), La Garonne et La Dordogne (par Antoine Coysevox) ; auxquelles s’ajoutent quatre nymphes et quatre groupes d’enfants disposés sur les grands côtés ».
Le Parterre du Nord Il est créé en 1663 par Le Nôtre. D’abord appelé Parterre de la Grotte, en raison de la présence de la Grotte de Thétis, il change de nom en 1684 quand elle est détruite et devient le Parterre du Nord. En 1670, il a déjà son tracé définitif. Il est composé de deux parties qui sont les bassins des Couronnes. Il s’achève avec le Bassin de la Pyramide.
Le Parterre du Midi Comme son pendant Nord, le Parterre du Midi est créé en 1663. Alors que le premier a déjà sa taille définitive, celui-ci est toujours limité à la terrasse de la première Orangerie. Il faut attendre la construction de l’aile du Midi et le réaménagement de l’Orangerie, en 1682, pour qu’il ait les mêmes dimensions que son opposé du Nord. Il surplombe le parterre de l’Orangerie, que l’on découvre au fur et à mesure que l’on s’avance vers la balustrade finale. On descend alors jusqu’à l’Orangerie via les deux Escaliers des Cent-Marches.
Le Parterre de Latone Il est créé en 1660 à l’emplacement d’un premier bassin creusé par Louis XIII. Il fait partie des premiers travaux de Louis XIV et est petit à petit enrichi de sculptures et de jets d’eau. Il représente Latone et ses enfants, Diane et Apollon, fuyant le peuple lycien transformé en crapauds et lézards. Louis XIV veut ici symboliser sa propre mère, Anne d’Autriche, fuyant la Fronde avec le jeune Roi et Monsieur. Initialement à la même hauteur que les autres sculptures, Latone est modifiée et rehaussée entre 1687 et 1689. Sa surface atteint presque les 3,5 hectares et, en son centre, dispose du Bassin du même nom. Transformé en carré de pelouse à la Révolution, il retrouve son aspect initial lors de sa restauration en 2015.
Le premier Bassin de Latone
L’allée royale ou Tapis-Vert Elle existe dès le règne de Louis XIII. Large d’une quinzaine de mètres, elle s’achève au Rondeau, devenu le Bassin des Cygnes. Fortement élargie jusqu’à atteindre quarante-cinq mètres, elle est l’axe principal du domaine, reliant l’Est à l’Ouest dans la magnifique perspective de Le Nôtre. Lors de la replantation du parc, Louis XVI la fera border de marronniers.
3) Les Bassins Le Bassin de la Pyramide Il est creusé en 1668 et marque le carrefour créé par l’allée de Cérès-et-de-Flore et l’Allée d’Eau. Il représente le Temple de Delphes, où se trouve la Pythie, qu’Apollon rejoint après avoir tué Python. La destination finale de cette apogée d’Apollon était la Grotte de Thétis. Le Dieu se laissait aller entre les mains des nymphes pour se reposer. Sa destruction a donné son importance au Bassin de la Pyramide, qui est composé de quatre étages.
Le Bassin des Nymphes Son dessin est en forme de trapèze et son dénivellement épouse la pente du terrain. Le mur principal est très proche du Bassin de la Pyramide, situé juste au-dessus.
L’Allée d’Eau Appelée aussi Allée des Marmousets, elle fait la jonction entre le Bassin des Nymphes et le Bassin du Dragon. C’est le prolongement du Parterre du Nord jusqu’au Bassin de Neptune, à l’extrémité Nord des jardins. Elle est entourée à l’Ouest par le Bosquet des Trois-Fontaines et à l’Est par le Bosquet de l’Arc de Triomphe.
Le Bassin du Dragon Il est créé en 1666. Situé au bout de l’Allée d’Eau et marquant son croisement avec l’avenue de Trianon, il représente le serpent Python tué par Apollon et crachant son sang sous forme d’un jet d’eau, qui est le plus haut de tous ceux des jardins.
Le Bassin de Neptune Le Bassin de Neptune, aussi appelé Bassin des Sapins en raison des conifères qui y sont plantés, est une grosse cuvette creusée entre 1679 et 1680 dans le prolongement de l’Allée d’Eau et du Bassin du Dragon. Il est achevé en 1685, bien que des groupes de statues supplémentaires aient été commandés par Louis XIV et finis après sa mort. Les travaux de rénovation démarrent en 1733. De 1738 à 1741, de nouveaux groupes en plomb sont installés et le 14 août 1741, Louis XV peut admirer le bassin totalement terminé.
Le Bassin d’Apollon Le Rondeau, devenu le Bassin des Cygnes, existe depuis 1636. Il est remplacé par le Bassin d’Apollon, qui constitue le prolongement de la perspective démarrée avec le Bassin de Latone. Le groupe du Char d’Apollon est créé entre 1668 et 1670 par Tuby et installé cette même année 1670.
Les Bassins des Saisons Ils représentent le printemps (Flore), l’été (Cérès), l’automne (Bacchus) et l’hiver (Saturne) et sont construits de 1672 à 1679. Ces bassins marquent les carrefours entre l’Allée Royale et les allées qui lui sont perpendiculaires : • Bacchus est au croisement du Labyrinthe (S-E), du Vertugadin (S-O), de la Salle de Bal (N-E) et de la Girandole (N-O) ; • Saturne est au croisement du Vertugadin (S-E), de l’Île-d’Amour (S-O), de la Girandole (N-E) et de la Salle des Antiques et de la Colonnade (N-O) ; • Flore est au croisement du Dauphin (S-E), des Dômes et de l’Encelade (S-O), de l’Etoile (N-E) et de la Salle des Festins (N-O) ; • Cérès est au croisement du Marais et de la Sablonnière (S-E), du Dauphin (S-O), du Théâtre d’Eau (N-E) et de l’Etoile (N-O). Richement décorés et soignés, ils sont aujourd’hui dépourvus de leur faste d’antan et limités aux groupes principaux.
4) Les Bosquets Les Deux-Bosquets C’est un duo de bosquets symétriques par rapport à l’Allée Royale, formé par les Bosquets de la Girandole et du Dauphin, tous deux créés entre 1661 et 1663 par Le Nôtre ; ils sont par ailleurs les premiers bosquets créés à Versailles par Le Nôtre. Le Bosquet de la Girandole est restauré en 2000. Le Bosquet du Dauphin est supprimé sous Louis XVI, en 1776, quand il fait replanter les arbres des jardins et du parc. Il tient son nom de la sculpture en forme de Dauphin au centre de son bassin. Il sera restauré en 2000.
Le Bosquet de l’Etoile Il est créé entre 1666 et 1668. Il se compose d’allées en forme d’étoile, d’où il tient son nom. Il devient le Bosquet de la Montagne d’eau en 1671, quand on installe une « montagne » de rocaille qui crache des jets d’eau. Elle est achevée en 1674. Elle sera rasée en 1704 et il reprendra son ancien nom. C’est aujourd’hui un espace vert, dépourvu de ses attraits passés.
Le Bosquet de la Reine Le Bosquet du Labyrinthe est commencé en 1668 et achevé en 1680. Il est composé de sculptures de plombs en forme d’animaux, fabriquées entre 1672 et 1673 et riches en couleurs. Il comporte aussi une machine des « Fables d’Esope » qui est une « sorte de feu d’artifice aquatique, animé de volatiles, à l’entrée même du bosquet ». Très inspiré de la Fontaine, c’est pourtant un gouffre financier sans nom.
Une vue du Labyrinthe
Louis XV va malgré tout l’entretenir, mais il est détruit au début du règne de Louis XVI, qui le remplace par le Bosquet de la Reine en 1778. Ce nouveau bosquet est riche par ses plantations variées et rares, mêlant jardins à la française et à l’anglaise.
Le Bosquet des Bains d’Apollon Le Bosquet du Marais (ou du Buffet) est une pièce d’eau en rectangle d’où sort un chêne en cuivre qui crache de l’eau. Il est créé en 1670, sans doute selon la volonté de Mme de Montespan, alors au plus haut de sa faveur. Voici la description qu’en donne Félibien : « c’est un petit bois où il y a un grand carré d’eau plus long que large, au milieu duquel est un gros arbre si ingénieusement fait qu’il paraît naturel. De l’extrémité de toutes ses branches, sort une infinité de jets d’eau qui couvrent le Marais. Outre ces jets d’eau, il y en a encore un grand nombre d’autres qui jaillisent des roseaux qui bordent les côtés de ce carré. Aux deux bouts et dans l’épaisseur des palissades sont deux enfoncements de verdure en manière de cabinets, où l’on monte par deux marches de gazon. Dans chacun de ces enfoncements, il y a une grande table de marbre blanc, et sur chaque table une corbeille de bronze doré remplie de fleurs au naturel, de laquelle sort un gros jet deau qui retombe dedans et s’y perd sans mouiller la table. Au milieu des côtés de ce carré, il y a aussi d’autres enfoncements semblables à ceux des deux bouts, où, sur des marches de gazon, sont élevées de longues tables de marbre blanc et rouge avec des gradins pour servir de buffets. De ces gradins, il sort de l’eau par des ajustages qui forment des aiguières, des verres, des carafes et d’autres sortes de vases, qui semblent être de cristal de roche garnis de vermeil doré ».
Le Bosquet du Marais
Il disparaît en 1704-1705. En 1778, Hubert Robert y installe les groupes de statues de la Grotte de Thétis : Apollon servi par les nymphes et les Chevaux du Soleil, qui étaient jusqu’alors stockées dans le Bosquet de la Renommée. Placées sur des socles dorés dans une sorte de grotte, ces statues donnent son nouveau nom au Bosquet qui devient celui des Bains d’Apollon.
Le Jardin du Roi et le Bassin du Miroir En 1671, Le Nôtre crée deux bosquets, celui de l’Île-Royale (ou du Miroir ou d’Île d’Amour) et celui du Vertugadin. Ces deux bosquets étaient voués à recueillir les eaux des étangs proches de la route de Saint-Cyr afin qu’elles aillent remplir le Grand Canal. L’Île-Royale comporte un îlot central en forme de rectangle, entouré de jets d’eau et accompagné d’un bassin, qui s’écroule et est remodelé peu après. Il sera finalement comblé au XIXe siècle dans un style anglais. Aujourd’hui, il s’appelle « Jardin du Roi » et seules deux statues colossales d’époque subsistent. Le Vertugadin, quant à lui, est décoré après la construction de l’Île-Royale et achevé avant l’écroulement du bassin.
Le Bosquet de l’Obélisque La Salle des Festins est initialement créée sur le même modèle que le Bosquet de l’Île-Royale, en 1671. Il prend rapidement le nom de Bosquet de la Salle du Conseil. En son centre se trouve une île de forme rectangulaire, aux angles arrondis. Tout autour circule un petit canal et on a placé des fontaines. Très coûteux, il est simplifié en 1704-1705. Ses jets d’eau sont rassemblés en un seul plus puissant situé au centre et prend le nom de Bosquet de l’Obélisque en 1706.
Bosquet de la Salle du Conseil
Le Bosquet du Rond-Vert Le Bosquet du Théâtre d’Eau (ou de l’Amphithéâtre) est créé dès 1671 et richement décoré. Il est achevé en 1774 et donne l’illusion d’un théâtre d’eau en plein air. En 1684, il est doté d’un robinet d’un pied qui pèse 1014,5 kg et coûte 1826 livres. Son entretien démesuré et son état de délabrement avancé pousseront Louis XVI à le faire détruire en 1775. Il reste alors un espace vide, sans verdure ni décorations. Il sert aux équipes des fêtes estivales à installer et stocker leur matériel, jusqu’à sa restauration entre 2013 et 2015, sous le nom de Bosquet du Nouveau Théâtre d’Eau.
Bosquet du Théâtre d’Eau
Le Bosquet de l’Arc de Triomphe Bâti en 1672, le Bosquet du Pavillon d’Eau ne plaît plus à Louis XIV, qui le fait remplacer, pour 300.000 livres, par le Bosquet de l’Arc de Triomphe en 1677. Le chantier va durer jusqu’en 1683. Ce bosquet tient son nom de l’arc de triomphe en fer doré qui habillait les lieux. Il a aujourd’hui disparu. Il ne subsiste que la grande fontaine du bas du bosquet, celui de la France triomphante, dominant les figures captives de l’Espagne et de l’Empire.
Bosquet de l’Arc de Triomphe
Le Bosquet de l’Encelade Il est créé entre 1675 et 1678. En 1678, on ajoute huit fontaines en rocailles et des treillages. Ces éléments sont supprimés en 1706 puis recréés lors de la restauration des lieux en 1998.
Le Bosquet des Dômes Le Bosquet des Fontaines de la Renommée est accessible depuis le précédent en traversant l’Allée Royale, puis par l’allée menant au bassin de Flore. Créé en 1675, il est remodelé en 1677. On le dote de deux pavillons dont les toits ont une forme de dôme. En 1684, il accueille les groupes anciennement présents dans la Grotte de Thétis et prend le nom de Bosquet des Bains d’Apollon. Ils restent là jusqu’en 1704. Sous Louis XVIII, en 1820, les pavillons sont rasés, mais leurs toits ont laissé leur nom à ce Bosquet, appelé aujourd’hui Bosquet des Dômes.
Bosquet des Fontaines de la Renommée
Le Bosquet des Trois-Fontaines Il est aménagé en 1677 par Le Nôtre, à l’emplacement de l’ancien Bosquet du Berceau d’Eau, et est achevé en 1707. Il ne comporte pas de sculpture mais trois fontaines qui s’étalent chacune sur un palier, accompagnant la pente du terrain. La première fontaine est en escalier, sur trois marches. La suivante a une forme carrée et la dernière est octogonale. Louis XVI le fait détruire, il est recréé à l’identique en 2004.
Berceau d’Eau
La Colonnade Le Bosquet des Sources, composé de plusieurs petits ruisseaux et créé en 1679, est détruit en 1684 pour laisser place à la Colonnade. Son groupe central, L’Enlèvement de Proserpine par Pluton de Girardon, est installé en 1699. Louis XIV aime beaucoup ce bosquet qui accueille des concerts. Il se compose de 32 colonnes entre lesquelles sont des 28 vasques en marbre.
La Salle des Marroniers La Galerie d’Eau (ou Salle des Antiques) est un bosquet très fragile. Il est créé en 1680 et se compose d’une île centrale entourée de vingt-quatre statues antiques dont les socles se trouvent dans l’eau. Il est l’un des premiers, avec le labyrinthe, à être fermé avec une grille, même sous Louis XIV. En 1704, il conserve sa forme mais on retire les statues et l’île centrale, il ne reste alors que les deux fontaines rondes à chaque extrémité. Il devient alors la Salle des Marronniers.
Salle des Antiques
Le Bosquet de la Salle de Bal Créé à la place d’un ancien bosquet dont on ignore tout, il est bâti entre 1680 et 1683, puis inauguré deux ans plus tard. C’est le dernier bosquet créé avant l’installation du Roi à Versailles et c’est une salle de fête très appréciée de Louis XIV, ainsi que de son fils le Grand Dauphin. Au centre se trouve une île où ont lieu les spectacles. En 1707, cette île est détruite par Mansart et ce bosquet devient celui des Rocailles.
I) Les communs Avec la volonté de Louis XIV d’installer sa Cour à Versailles, petit à petit la place vient à manquer. Si la domesticité était, au départ, logée directement dans le château, la situation devient de plus en plus complexe. Pierre Verlet l’explique dans son ouvrage : « nouveau bâtiment pour les offices du Roi et de la Reine (1678), Ecuries (1679-1682), Grand Commun (1682-1684, aujourd’hui hôpital militaire), Surintendance (1683-1690, aujourd’hui numéro 6 de la rue de l’Indépendance-Américaine), sont la conséquence de l’installation du Roi à Versailles ». Et en effet, bien que certains serviteurs logent toujours sur place, il est décidé de la construction des communs, où ils seront installés (et y mangeront) ainsi qu’une partie des courtisans, mais également les cuisines. Le Grand Commun est un bâtiment carré situé au sud-est du château, aujourd’hui au niveau de la rue des Récollets et de l’avenue de l’Indépendance-Américaine. Les travaux débutent en 1681 et s’achèvent en 1684, sous la direction de Jules Hardouin-Mansart, à l’emplacement de l’ancienne église Saint-Julien. Sa cour intérieure est fouillée en 2009 et on assiste à la mise au jour d’un ancien jeu de paume, celui de Louis XIII et datant de 1630, bien avant la construction de la salle associée au Serment de 1789. La Révolution transforme ce bâtiment, devenu vide, en une manufacture d’armes. Il deviendra ensuite un hôpital militaire et accueille aujourd’hui des bureaux liés au fonctionnement administratif du château.
II) Les écuries En 1679, en même temps que le lancement de la construction des ailes du château, Mansart entame celles des Ecuries, la Petite et la Grande. Ce sont deux bâtiments en face du château, côté Est, en forme de trapèzes pour « épouser » la forme de la « patte d’oie » créée par les avenues de Saint-Cloud, Paris et Sceaux (leurs noms étant, à l’époque, respectivement les avenues de Paris, Porchefontaine et des Bois). Elles sont dessinées comme des amphithéâtres ou des fers à cheval. A l’instar du château, elles disposent de pavillons d’angles à trois fenêtres, comme les ailes des Ministres qui leur font face. Au centre de chacune d’elles se trouve une grande arche. Ils s’achèvent en 1681 pour la Petite Ecurie et en 1682 pour la Grande Ecurie.
La Grande Ecurie loge le Grand Ecuyer, appelé « Monsieur le Grand », et son fils. Elle dispose d’un manège et d’une carrière et accueille les chevaux de monte et de parade. Dans ce manège ont lieu des fêtes et des spectacles, ainsi qu’un Carrousel organisé par le Dauphin. C’est ce manège qui brûlera sous Louis XV et ne sera pas remplacé. La Petite Ecurie abrite le Premier Ecuyer, dit « Monsieur le Premier », elle dispose aussi d’un manège, inclut la remise des carrosses et accueille les chevaux de trait, destinés à la guerre. Les deux Ecuries abritent aussi une floppée de personnel (pages, hérauts d’armes, musiciens et bien entendu, le personnel habituel d’une écurie).
En 1684, les deux bâtiments sont agrandis. L’année suivante, on ajoute un chenil à la Grande Ecurie, chenil où vit le Grand Veneur. En 1715, les deux bâtiments comprennent environ sept-cents bêtes, dont les deux tiers sont dans la Grande Ecurie.
Dans un souci d’économie, les activités de la Petite Ecurie sont rattachées à la Grande en 1929. Elle a ensuite abrité l’Ecole de l’Air puis, dès 1969, l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture (ENSA-V). Aujourd’hui, elle permet de stocker les originaux des statues des jardins, mais aussi d’anciens éléments de décors qui ont été supprimés, comme nous allons le voir. La Grande Ecurie a accueilli une école des pages, voués à servir le Roi et les Princes à la chasse et à la guerre. Depuis, elle a retrouvé sa fonction première en accueillant l’académie équestre de Bartabas, avec sa cavalerie de lipizzans. La Grande Ecurie comprend également la Galerie des Carrosses.
III) Les ailes des ministres Afin de faire de Versailles le siège du pouvoir et d’avoir ses ministres (appelée Secrétaires d’Etat sous l’Ancien Régime mais équivalents à nos ministres actuels) auprès de lui, Louis XIV ordonne à Hardouin-Mansart de créer des pavillons pour les accueillir, dans la Cour d’Honneur devant le château. C’est chose faite en 1671. Huit ans plus tard, ces pavillons sont rasés pour créer les ailes des Ministres, telles qu’on les connaît aujourd’hui. Les quatre Secrétaires d’Etat s’y installent, deux dans chaque bâtiment, et travaillent au rez-de-chaussée, tandis que leur logement est au premier étage. Les ailes des Ministres accueillaient également les Gardes Suisses et les Gardes Françaises, dont les officiers étaient logés sur place, comme les Secrétaires d’Etat. Devenus des logements de fonction au service de la République en 1958, les lieux sont restitués à Versailles, qui en fait des bâtiments administratifs. L’aile sud accueille la billetterie et la Librairie des Princes, tandis que l’aile nord comporte des bureaux et l’accueil des visites guidées.
Partie 2 : Du château au musée Lorsque la Révolution éclate, Louis XVI et Marie-Antoinette sont à Versailles. Plus pour très longtemps. A cette période de l’année, pourtant, la Cour est à Compiègne, Fontainebleau ou Saint-Cloud. Mais les événements qui se sont succédé (décès du Dauphin Louis-Joseph, ouverture des Etats-Généraux…) ont maintenu tout ce petit monde à Versailles. Lors des journées d’octobre 1789, le château est envahi par la populace qui réclame le retour du souverain à Paris. Louis XVI, sa famille et sa Cour quittent Versailles. Ils n’y reviendront jamais.
I) Sous la Révolution Quand la Cour quitte Versailles en octobre 1789, on croit encore que ce sera provisoire. Le château reste entretenu, les travaux entamés se poursuivent. Les peintures de la Galerie des Glaces commencent à être restaurées en 1790. Les installations des Bains de la Reine continuent. Le garde-meuble veille sur le mobilier, note, répertorie. De son côté, la Convention décide de vider le château. Les tableaux sont envoyés au Louvre, devenu musée national. Les signes de la royauté sont arrachés. Enfin, les meubles et décorations sont vendus aux enchères du 25 août 1793 au 11 août 1794. La vente se tient d’abord dans l’ancien appartement de la Princesse de Lamballe, puis aux Petites Ecuries. Parmi les acheteurs, des familles royales européennes, comme les Windsor. On retrouve même des meubles aux Etats-Unis, notamment dans la collection de Gouverneur Morris, qui a ainsi sauvé de la destruction des pièces rares et précieuses ! Versailles a pu, par rachats ou dons, récupérer une petite partie de ces éléments. Le reste a disparu : collections privées, destructions, etc.
On parle de détruire et raser le château et d’utiliser les jardins comme terre cultivable. Finalement, le 24 novembre 1793, le château devient un Musée Spécial de l’Ecole Française. On expose les œuvres pillées dans les domaines des nobles émigrés : des toiles, des sculptures. Napoléon, alors encore Bonaparte, confirme en 1799 la vocation du château à devenir un musée. Il disparaît toutefois sous l’Empire. Mais l’essentiel est que le château ait été sauvé grâce à ce musée, à une période où on parlait de le raser.
II) De l’Empire à la Monarchie de Juillet Le château est détourné de ses fonctions. En 1800, Bonaparte utilise les anciens appartements privés de Louis XV comme succursale des Invalides. Lui-même vit aux Tuileries, mais après son mariage avec Marie-Louise, il échafaude des projets visant à restaurer les lieux pour accueillir sa cour. Finalement, il renonce : les projets de rénovation et d’installation sont bien trop coûteux. L’Empereur va se rabattre sur le Grand Trianon qui a sa préférence, pour autant il vivra davantage aux Tuileries et à Saint-Cloud. A Trianon, il a déjà logé sa mère, Laeticia, et sa sœur Pauline, Princesse Borghèse. Marie-Louise les remplacera et deviendra la maîtresse de maison de ce petit palais de marbre rose. Napoléon fait redécorer le château en style Empire. Il fait aussi vitrer le péristyle, qui perdra ses vitres au début du XXe siècle.
En 1814, Napoléon chute et Louis XVIII, frère de Louis XVI, monte sur le trône de ses ancêtres. Louis XVIII songe lui aussi à retourner dans ce palais qui l’a vu naître. Toutefois, en souverain averti, l’ancien Comte de Provence choisit de vivre aux Tuileries et renonce à son idée première de faire de Versailles son palais d’été. Son frère, Charles X, fera de même. Néanmoins, les deux frères poursuivront les travaux de rénovation du château. Après les Cent-Jours, Dufour achève le pavillon qui porte son nom au bout de la Vieille-Aile, pendant de celui de Gabriel. Lorsque les Trois Glorieuses chassent les Bourbon, c’est la branche cadette, les Orléans, qui prennent la tête du pays. Louis-Philippe devient Roi des Français.
Louis-Philippe tente à son tour de reconstituer une partie du château tel qu’il l’a connu sous le règne de son cousin Louis XVI, mais aussi en hommage à leur ancêtre commun, Louis XIV. Sans doute songe-t-il lui aussi à s’installer là. Toutefois, Louis-Philippe mène une vie bourgeoise avec son épouse et leurs nombreux enfants. Aussi, il renonce pour aller vivre au Grand Trianon avec sa famille. Il l’adaptera à ses goûts. Pour Versailles, il a un tout autre projet, qui démarre en 1833. De nombreux travaux sont alors réalisés, tous sur la cassette personnelle du Roi. Quatre ans plus tard, le souverain inaugure son musée « A toutes les gloires de la France ». Certes Louis-Philippe a définitivement sauvé le château d’une destruction sans cesse menaçante, toutefois il a au passage détruit une grosse partie des appartements qui y existaient. Des décors entiers ont disparu : défaits, éparpillés, vendus, placés dans d’autres châteaux, etc. Des collections entières de tableaux disparaissent tandis que d’autres sont créées tout spécialement pour le musée, comme les toiles dédiées à l’épopée napoléonienne. Le Roi fait aussi aménager la Galerie des Batailles au premier étage de l’aile du Midi. Le corps central souffre aussi, les anciens appartements sont dénaturés.
III) Du Second Empire à nos jours Napoléon III n’a pas le même attachement pour Versailles que son oncle. Toutefois, il poursuit quelques travaux visant à entretenir le château. C’est son épouse, Eugénie, passionnée par Marie-Antoinette, qui va entraîner un engouement nouveau pour Versailles. Elle va largement contribuer à rapatrier du mobilier dans les réserves du château et notamment au Petit Trianon et au Hameau.
Après la défaite en 1870, l’armée prussienne fixe son quartier général à Versailles, où la paix est signée et l’Empire Allemand créé. La Galerie des Glaces devient alors un hôpital. Un an plus tard, la Commune de Paris y installe son siège. En 1875, l’Assemblée Nationale prend place dans l’Opéra Royal avant de poser ses pénates dans la nouvelle salle du Congrès, créée dans l’Aile du Midi. Le Sénat, lui, reste à l’Opéra. En 1879, les deux organismes regagnent Paris mais les locaux utilisés à Versailles restent à leur disposition.
En 1900, l’historien Pierre de Nolhac est chargé de la restauration du château et en devient son conservateur en chef. Versailles reste un musée mais il retrouve aussi sa vocation de château. Il va alors créer des galeries historiques avec un ordre chronologique et une logique suivie, en opposition complète avec les travaux effectués par Louis-Philippe. Naissent ainsi les galeries des Attiques Nord et Sud (Restauration, Premier Empire, Monarchie de Juillet) mais aussi celle dédiée au XVIIe siècle dans l’Aile Nord.
Le corps central retrouve son mobilier et son décor comme du temps de l’Ancien Régime. Nolhac retrouve et replace certains décors et boiseries, associe les portraits aux occupants des pièces dans lesquelles on les accroche, etc. Pour effectuer tous ces changements, le conservateur n’hésite pas à supprimer des salles anciennement créées sous l’impulsion de Louis-Philippe. Le nouveau musée rouvre en 1848, différent de ce que le Roi des Français avait initialement créé. Mais le résultat est là, puisque le château connaît un renouveau. Les visites augmentent, les mécénats (notamment étrangers) permettent de réaliser des restaurations, et les têtes couronnées européennes viennent le visiter. Durant la Première Guerre Mondiale, le Conservateur met à l’abri plusieurs collections et décors. Et c’est dans la Galerie des Glaces qu’est signé, en 1919, le traité de Versailles mettant fin au conflit, une petite vengeance française à la suite de la défaite de 1871. La même année, Pierre de Nolhac cesse son activité. Le château connaît alors quelques années de vide durant lesquelles il n’est pas entretenu. C’est alors qu’en 1924 puis en 1927, Rockefeller vient visiter les lieux. Il fait alors une importante donation permettant de restaurer Versailles. Il fera de même quelques années plus tard pour restaurer le Hameau, ce que nous verrons plus tard. Lorsque la Seconde Guerre Mondiale éclate, le nouveau conservateur, Ladoué, met une nouvelle fois les œuvres à l’abri, notamment par suite de la défaite de 1940. Le drapeau Nazi flotte au-dessus de Versailles et des soldats visitent le château où est né l’Empire Allemand. Dès 1945, les œuvres sont remises en place. Afin de sauver Versailles, dont le toit est tellement usé que la pluie entre dans la Galerie des Glaces, André Cornu, sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts, lance un appel radiophonique dédié aux Français : si chacun donne un peu, le château pourra être restauré. C’est un succès et les donateurs populaires sont nombreux. Ils ne sont pas les seuls, car des artistes et d’autres mécènes font aussi des dons au château (plus importants puisque l’on parle ici de millions de francs). Mis à la disposition de la République, le château est le lieu d’accueil des chefs d’Etats reçus par le Président, dont, entre autres, Elizabeth II, le Shah d’Iran ou Vladimir Poutine.
V) Louis XVI et Marie-Antoinette Fin avril 1774, Louis XV est au Petit Trianon lorsqu’il ressent les premiers effets de la petite vérole qui va l’emporter. Il s’éteint le 10 mai. Louis XVI lui succède, mais ce que l’on retiendra surtout de son passage à Versailles, ce sont les aménagements créés pour les Appartements de Marie-Antoinette.
1) La prise de pouvoir Dès juillet 1774, alors qu’il est Roi depuis deux mois, Louis XVI attribue l’appartement des favorites, au deuxième étage, à son ministre et mentor Maurepas, la Comtesse du Barry ayant quitté la Cour à la hâte avant la mort du Bien-Aimé. Les pièces privées de Louis XV au deuxième étage sont, quant à elles, données aux Premiers Valets de chambre du souverain. Le jeune monarque fait réaménager l’ancienne chambre de Madame Adélaïde en Bibliothèque, tout en conservant, au deuxième étage, celle de son grand-père, qui prend le nom de Bibliothèque des Combles, au-dessus de la Salle du Conseil. En outre, durant les cérémonies du sacre, des travaux sont effectués sur demande du Roi, afin d’aménager un passage secret lui permettant de rejoindre Marie-Antoinette dans sa chambre sans être vu.
2) L’appartement privé du Roi Louis XVI va conserver de Louis XV ce goût pour les Cabinets intérieurs. La Cour-des-Cerfs reste le cœur de ses petits appartements privés. Pour des besoins de place, un quatrième étage est même créé, bien qu’il ne soit séparé du troisième que par quelques marches.
Au premier étage, on trouve, entre le Cabinet du Conseil et le Grand Appartement, le Cabinet des Bains, aménagé en 1777 ; il y est toujours. Viennent ensuite le Cabinet de la Chaise et l’escalier semi-circulaire, puis le Cabinet de Géographie, qui remplace le Cabinet-Doré de Louis XV. Le long du Grand Appartement et de la Cour-des-Cerfs se trouve un long passage qui est une Bibliothèque et un Cabinet d’Artillerie ; et qui aboutit à la nouvelle pièce de la Vaisselle d’Or (ex-Salle à manger de 1750). Côté Cour de Marbre, après le Cabinet de la Pendule, se trouve toujours le Cabinet-Intérieur de Louis XV, que son petit-fils a repris pour lui. Juste après cette pièce, Louis XVI, dans son besoin d’intimité, va faire aménager, en entresol, un « Très-Arrière-Cabinet » ou Cabinet de la Cassette, où il tient ses comptes. Cette pièce dispose d’une petite fenêtre qui donne aujourd’hui sur l’Escalier Louis-Philippe, face au Salon de Diane. A côté du Cabinet de la Cassette se trouve le Cabinet-Doré (ex-pièce de la Vaisselle d’Or et ex-ex-Cabinet Intérieur de Madame Adélaïde). Louis XVI y expose ses souvenirs : portraits de famille, tableaux des batailles de Louis XV, vases et biscuits de porcelaine. Vient ensuite la Bibliothèque, suivie, à l’angle de la Cour Royale, de la Salle à manger aux salles neuves, puis la pièce des Buffets. Dans la Salle à manger, Louis XVI maintient la tradition instaurée par son grand-père : il fait exposer, en décembre de chaque année, les créations de la manufacture de Sèvres. Les courtisans peuvent les admirer et les acheter. La pièce des Buffets servait aussi de Cabinet du Billard. Elle a aujourd’hui perdu son aspect d’antan suite à la campagne de travaux de Louis-Philippe. Cette pièce communique avec le Salon de Vénus via une porte qui, jadis, faisait partie du palier de l’Escalier des Ambassadeurs. A l’emplacement du Cabinet des Médailles de Louis XIV, Louis XVI fait aménager un salon des jeux où vont le Roi, sa famille et les invités des Petits-Soupers. Quand la Comédie est installée dans l’Aile Gabriel en 1785, le Roi fait aménager un petit passage entre ce salon et la Comédie, pour s’y rendre plus facilement.
Au deuxième étage, Louis XVI établit, au-dessus de ses Bains et de son Cabinet de Géographie, des Cabinets de Menuiserie et d’horlogerie, ainsi que deux autres pour le Tour, et enfin sa Galerie de Géographie. Au troisième étage, outre la Bibliothèque des Combles, se trouvent le Cabinet du Billard, deux suppléments de Bibliothèques, un Cabinet de Physique et un Cabinet de Chimie. Au quatrième étage, on trouve les Cabinets de Serrurerie, qui communiquent, via quelques marches, avec celui du Billard. Les cuisines sont, quant à elles, réparties entre les troisième et quatrième étages, du côté de la Petite Cour intérieure du Roi.
En dehors de ces modifications, les appartement privés du Roi changent peu, exceptés quelques meubles et la décoration.
3) L’appartement privé de la Reine Si les travaux de Louis XVI pour ses propres appartements sont relativement limités, ceux réclamés par Marie-Antoinette, tant dans la partie publique que privée, sont impressionnants. En effet, le Roi a le respect des traditions établies par son ancêtre, mais pas la Reine qui impose son style.
Dès 1779, Marie-Antoinette fait modifier son Cabinet-Doré (ou Grand Cabinet Intérieur), à l’Est de la Cour de la Reine. Elle veut des grandes glaces et fait décorer la pièce avec goût : soieries brodées coûteuses et prestigieuses. En 1783, elle fait tout retirer et remplacer par des boiseries. En 1781, la souveraine est enceinte. Elle se lance alors dans la rénovation du Cabinet de la Méridienne, collé à sa chambre de parade. La pièce retrouve sa forme octogonale initiale et est dotée d’une alcôve et d’un lit de repos, où la Reine fait sa sieste après le dîner (notre déjeuner). Au fond de l’alcôve, on place de grandes glaces. En parallèle, on crée sa bibliothèque, collée à la Méridienne. Le cabinet est fini à la fin de l’année et meublé de satin blanc. En octobre, elle a mis au monde le Dauphin tant attendu, aussi la pièce est remplie de symboles : des décorations de dauphins en or et des références à Héra, déesse grecque de la famille.
Forte de ces deux transformations et de celles de son Appartement de parade, Marie-Antoinette réclame de nouvelles pièces rien que pour elle. Tout d’abord au second étage, entresolé : salle à manger (située environ au-dessus de la bibliothèque et de son supplément), mais aussi boudoir-billard (au-dessus de la Méridienne) dont le décor est celui initialement créé pour le Cabinet-Doré, et quelques autres petites pièces.
Enfin, et surtout, la Reine obtient des pièces au rez-de-chaussée, sur la Cour de Marbre. Madame Sophie meurt en 1782. Marie-Antoinette va alors choisir les pièces que sa tante occupait, limitées au Nord par l’appartement de Madame Victoire et à l’Ouest par celui du Comte de Provence. Un petit escalier lui permet de rallier les appartements du premier étage sans être vue. Fin 1783, on aménage sa chambre privée, à droite de la Cour de Marbre, en entrant dans le Vestibule. Elle dispose d’un lit de damas vert. La Bibliothèque de Madame Sophie devient la sienne. La décoration est simple, la souveraine aime beaucoup cette nouvelle pièce où elle se sent chez elle. Dès 1788, dans une autre pièce de feu Madame Sophie, elle demande l’installation de ses Bains. Elle n’utilisera jamais cette pièce, toujours en travaux en 1790.
4) L’appartement de la Reine Après les premières évolutions dans son appartement privé (Cabinet-Doré et Méridienne), Marie-Antoinette se lance dans celle des pièces publiques. Elle commence par la Chambre. Les portraits des dessus de portes sont changés, on y voit désormais sa mère, Marie-Thérèse d’Autriche, son frère, Joseph II et bien entendu son époux, Louis XVI. Elle fait installer des stores amovibles pour mettre devant ses glaces et fait changer le parquet en 1782. En 1787, elle reçoit les nouvelles tentures d’été de sa chambre, dont les meubles sont assortis. C’est ce que l’on voit encore aujourd’hui. Enfin, elle fait rénover et changer des meubles, redorer quelques boiseries.
La pièce suivante est le Salon des Nobles, ou ancien Grand Cabinet. De la pièce créée par Louis XIV, il ne reste que le plafond. Marie-Antoinette choisit des boiseries blanc et or, ainsi que des soieries vertes et des glaces. La cheminée et le mobilier son changés. L’Antichambre du Grand-Couvert est modifiée dans le même esprit que le Salon des Nobles : les murs de marbre sont changés pour des boiseries et tentures de damas rouge. Enfin, Marie-Antoinette a conservé au Salon de la Paix sa nouvelle vocation de salon des jeux. Elle y fait aussi placer un décor de théâtre démontable selon ses envies. La Reine, qui n’aime pas le décor de marbre de cette pièce, envisage de tout retirer, de changer meubles et cheminées, d’abaisser le plafond en en créant un faux. La Révolution l’en empêchera.
5) La famille royale Elle comprend au sens réduit, outre les souverains, leurs enfants ; la sœur du Roi, Madame Elisabeth ; ses frères, les Comtes de Provence (dit Monsieur) et d’Artois, ainsi que leurs épouses ; et Mesdames Tantes. A part les filles survivantes de Louis XV, qui vivent toujours dans l’ancien Appartement des Bains, le reste de la famille loge dans l’aile du Midi.
Le Comte et la Comtesse de Provence, dits Monsieur et Madame, logent dans les appartements du Dauphin et de la Dauphine jusqu’en 1787. Le Comte de Provence étant l’héritier de son frère jusqu’en 1781, la logique voulait qu’il occupe cet appartement. En 1787, ils vont s’installer au bout de l’aile du Midi. Le Comte et la Comtesse d’Artois vivent dans l’appartement central de l’aile du Midi, jadis occupé par Monseigneur, puis par Louis-Ferdinand et par Mesdames Henriette et Adélaïde. Il ne reste plus rien de cet appartement, remplacé par la Galerie des Batailles. Enfin, Madame Elisabeth, dispose des mêmes aménagements que ses belles-sœurs (stores aux fenêtres, cabinets privés, Bains, etc) pour la forme, mais elle a des goûts simples et réfléchis. C’est une jeune Princesse très intelligente, dotée d’un grand don pour les mathématiques. Son frère, qui l’aime beaucoup, lui offrira le petit château de Montreuil, sur l’avenue de Paris, en 1783.
6) Les enfants royaux et la Duchesse de Polignac Les Enfants de France vivent dans la pouponnière de l’aile du Midi. En 1782, Madame Royale, l’aînée, vient vivre dans le corps central mais en repart quand la Reine reprend les pièces de Madame Sophie. En 1787, le Dauphin Louis-Joseph s’installe dans l’appartement du Dauphin avec son précepteur, le Duc d’Harcourt, et la femme de ce dernier. Quand il meurt en 1789, le nouveau Dauphin Louis-Charles et Madame Royale s’installent à sa place.
La Gouvernante des Enfants de France, la Princesse de Guéméné, fait faillite en 1782. Elle doit renoncer à sa charge héréditaire et Marie-Antoinette la confie à son amie, la Duchesse de Polignac. Jusqu’alors, la jeune femme occupait le plus bel appartement de la Vieille-Aile, au premier étage, entre la Cour Royale et la Cour des Princes. Quand elle devient Gouvernante des Enfants de France, elle s’installe donc dans l’aile du Midi, dans l’appartement dédié à cette fonction. Elle dispose d’un Grand Salon, d’un Salon-Frais, d’une Salle à manger, d’une Salle de Billard, d’un Boudoir, d’une Bibliothèque et bien entendu d’une Chambre, collée à celle du Dauphin, les deux étant séparées par une vitre afin qu’elle puisse veiller sur le royal enfant.
7) Le « Grand Projet » Fin 1774, Louis XVI achève les travaux entrepris par Gabriel sous Louis XV, à savoir l’aile de la Chapelle, devenue l’aile Gabriel. Toutefois, la façade du château a perdu son unité et sa symétrie. Louis XVI a alors le projet de rénover totalement les façades de briques afin que tout ait le même style classique. Dès 1780, on lance un concours pour refaire ces façades. Les architectes planchent sur le sujet, mais en 1787, bien que l’idée soit maintenue, elle est reportée. On attend une période plus favorable, hors du déficit actuel du Trésor Royal. Ce « Grand Projet » aurait vu le jour si Louis XVI avait régné plus longtemps et eu les fonds nécessaires. A quoi aurait ressemblé Versailles, si le Roi avait pu aller au bout de son idée ? Une nouvelle façade aurait fermé la Cour de Marbre. Un énorme escalier, partant de cette façade, aurait donné accès aux appartements royaux du premier étage, tout en coupant la Cour de Marbre en deux plus petites : la Cour du Roi au Nord et la Cour de la Reine au Sud. La Vieille-Aile aurait été refaite en symétrie de celle de Gabriel. « Les Cours de la Chapelle et des Princes auraient été fermées et rattachées aux ailes des Ministres, elles-mêmes rebâties et augmentées, sur la Place d’Armes, vers le Nord et vers le Sud, de deux bâtiments en retour d’équerre ». Des bâtiments reliant ces ailes aux Ecuries auraient fermé la Place d’Armes et auraient été dédiés aux Gardes Françaises et Suisses. Le Grand Appartement resterait inchangé, mais tout le reste du premier étage aurait été transformé : deux appartements symétriques se seraient fait face : au Sud pour Marie-Antoinette et au Nord pour Louis XVI, qui envisage de décaler sa chambre de parade vers le Nord, afin que la Reine ait la sienne au Sud, les deux étant reliées par une petite galerie donnant sur l’escalier et l’ex-Cour de Marbre. Enfin, en pendant de la Chapelle, se serait élevé le petit théâtre de la Reine. Cet immense projet, s’il avait vu le jour, aurait presque intégralement transformé l’œuvre de Louis XIV. Quel château différent nous verrions aujourd’hui !
IV) Versailles et Louis XV A la mort de Louis XIV, Louis XV a cinq ans. Le Régent décide de quitter Versailles, devenu terne et délaissé par les courtisans. Il opte pour Vincennes et les Tuileries. Versailles est alors chichement entretenu par Louis Blouin, intendant et gouverneur. Les appartements des ailes du Nord et du Midi sont loués, les jardins sont animés par les Grandes Eaux. Louis XV, devenu majeur, décide de se réinstaller à Versailles avec la Cour. Des travaux sont donc nécessaires pour le retour du jeune Roi dans le palais qui l’a vu naître. Louis XV revient à Versailles le 15 juin 1722. Le monarque retrouve le château tel qu’il l’a quitté, sauf les meubles utilisés dans l’appartement intérieur de Louis XIV qui ont été donnés au Premier Gentilhomme de la Chambre, selon la tradition. Louis XV fait donc venir ses meubles des Tuileries. Le nouveau Roi hésite à défaire l’œuvre de son arrière-grand-père. Sur bien des points, les constructions de Louis XIV seront préservées, comme une marque de respect. Et paradoxalement, Louis XV est à l’origine de la destruction de plusieurs pièces marquantes du règne de son prédécesseur : l’Appartement du Grand Dauphin, l’Appartement des Bains, l’Escalier des Ambassadeurs, la Petite Galerie et le Cabinet des Médailles. La patte du Roi sur Versailles, c’est aussi le bouleversement des pièces privées, tout autour de la Cour des Cerfs.
1) L’aile Gabriel et le « Grand Projet » Louis XIV a toujours refusé de changer les façades de son château. Fidèle au souvenir de son père, il voulait conserver ces murs de pierres et de briques. Toutefois, au début du règne de Louis XV, la façade de la Cour de la Chapelle a bien besoin d’être rénovée. Au prix d’une forte dépense, les façades, côté Cours et côté villes, sont rénovées et couvertes de pierre, dans un style classique. La conséquence est que l’unité de l’entrée du château est rompue. A la fin de son règne, en 1771, le Roi accepte le plan de Gabriel qui consiste à détruire l’aile Nord de la Cour Royale pour en rebâtir une neuve, dans le même esprit que précédemment. La mort du Roi et le manque de fonds arrêteront ce « Grand Projet » et l’aile se limite donc au bâtiment que l’on voit actuellement. Sous Louis XVI, le « Grand Projet » sera repris et repensé, mais avorté.
2) La Chapelle Le Roi fait quelques modifications dans la chapelle, et notamment le fait de retirer le clocheton au centre du toit, celui-ci menaçant ruine. Durant des récents travaux de restauration sur la toiture, on a retrouvé, au centre de gravité de la charpente, les restes de ce lanternon de douze mètres de haut qui a disparu. Les poutres qui le soutenaient ont été sciées pour que rien ne dépasse. Ce lanternon est une symbolique et un élément importants de la Chapelle, qui est désormais perdu. Louis XV fait aussi détruire l’ancienne chapelle de la Communion pour la remplacer par un reliquaire de la Croix, sur demande du Dauphin Louis-Ferdinand. Le reliquaire s’accompagne d’une chapelle saillante, nommée chapelle du Sacré-Cœur et bâtie entre 1766 et 1772. Les autres travaux de Louis XV dans la Chapelle concernent les statues et ornements, mais il se borne globalement à respecter l’œuvre de son aïeul.
3) Le Grand Appartement La création du Salon d’Hercule sera la majeure transformation de cet appartement, semble-t-il immuable. Ce projet, il est possible que Louis XIV l’eût déjà, avec force marbre, sous le nom de « Nouveau Salon près la Chapelle ». Mais c’est sous Louis XV que les travaux vont se concrétiser. Ce salon donne sur les jardins et sur la Cour et le Vestibule de la Chapelle. Il devient alors le nouveau départ du Grand Appartement. En bâtissant ce salon, Louis XV espère en faire l’arrivée du nouvel escalier dont il a le projet pour remplacer l’Escalier des Ambassadeurs, qu’il entend détruire.
4) L’Escalier des Ambassadeurs et le théâtre Louis XV n’aime pas cet escalier. Il souhaite le détruire et le remplacer par un autre, qui doit aboutir au Salon d’Hercule. Mais le théâtre a toujours eu une place de choix à Versailles et Mme de Pompadour aime monter sur scène. Au début, en 1747, ces représentations ont lieu dans la Galerie de Mignard. Une scène, un orchestre, des sièges pour les invités et deux loges pour les « acteurs » sont créés. A la fin de l’année, on effectue quelques réaménagements, avant finalement d’opter, en 1748, pour la scène démontable dans l’Escalier des Ambassadeurs. Ce « théâtre des Cabinets » sera éphémère, puisque le théâtre est démonté en 1750.
Délabré, ce chef-d’œuvre architectural est détruit en 1752. Le Roi fait aménager à la place des pièces privées qui seront utilisées par sa fille Madame Adélaïde, puis par lui. Les seuls vestiges de l’Escalier des Ambassadeurs aujourd’hui sont les portes, sculptées par Caffieri, au revers des Salons de Vénus et de Diane, sur le palier de l’Escalier Louis-Philippe. D’autres vestiges ont été dispersés : le Centaure est au Louvre, la vasque-coquille à Dampierre. Louis XV a tenté de sauver quelques éléments de cet escalier, mais ça a été perdu. On peut toutefois avoir un bon aperçu de ce que fut cet escalier magistral en voyant celui du château de Herrenchiemsee, bâti par Louis II de Bavière.
5) La Comédie et l’Opéra La Cour dispose toujours de sa Comédie située là où Louis XIV l’avait fixée, entre Cour Royale et Cour des Princes. Faute d’une autre place, on la laisse là en attendant mieux. Toutefois, quelques travaux y sont réalisés entre 1724 et 1762. Les loges royales étaient au fond, dos à l’aile du Midi. Côté vieille aile se trouvait la scène. Sur les côtés, aux emplacements des deux passages les plus proches de la Vieille Aile, étaient les loges des courtisans, sur deux étages, très petites, étroites et basses de plafond. Elles contenaient environ douze personnes, entassées plus qu’installées, et étaient attribuées selon le rang des spectateurs. Cette salle de treize mètres par huit accueillait jusqu’à trois-cent-cinquante personnes qui assistaient aux Comédies.
Pour ce qui est des spectacles de Cour, ils ont lieu dans la Salle du Manège de la Grande Ecurie, en attendant que le château soit doté d’un opéra. Les décors à monter et démonter, les mécanismes pour passer d’un théâtre à une salle de bal sont ruineux. En 1751, un incendie ravage cette salle qui n’est pas reconstruite. Sans salle de spectacle digne de Versailles, une Comédie bondée de monde, un projet ébauché par Louis XIV : voilà qui va décider Louis XV à bâtir l’Opéra.
Vue de l’Opéra au bout de l’aile Nord, devant le réservoir des fontaines
À la suite de la paix d’Aix-la-Chapelle qui met fin à la guerre de Sept-Ans, les travaux débutent en 1763. Dès 1765, les façades côté Réservoir et côté rue sont finies. Une date butoir est fixée pour la fin des travaux : le mariage, en mai 1770, du Dauphin avec l’Archiduchesse Antonia. Le chantier doit donc aller vite. Pour épauler Gabriel, vieillissant, Louis XV choisit le machiniste des Menus-Plaisirs, Arnoult. Il a déjà bâti un système de chaise volante pour Mme de Pompadour, ainsi que le théâtre démontable de l’Escalier des Ambassadeurs. Enfin, il a travaillé à l’élaboration d’un système permettant de transformer le sol de la salle du théâtre de Fontainebleau pour en faire une salle de ballet. Il est donc tout désigné pour accompagner l’architecte royal. La collaboration de Gabriel et d’Arnoult, sous l’œil attentif de Louis XV, va permettre la création de ce joyau qu’est l’Opéra. La salle est bâtie en bois pour une meilleure acoustique.
L’opéra est conçu de façon à permettre un réaménagement complet de cette salle de trois-cent-cinquante mètres carrés en seulement deux heures, grâce à deux machineries. Lors d’un bal ou d’un banquet, on peut tout mettre au niveau de la scène : la fosse d’orchestre et l’emplacement des sièges de devant remontent, la balustrade entre les deux parties du public peut se retirer et les sièges arrière se descendent pour être à niveau. L’Opéra est inauguré le 16 mai 1770 par le banquet donné en l’honneur des mariés. Le lendemain, la salle devient un théâtre et le 18, une salle de bal, où le nouveau couple delphinal inaugure la fête.
L’Opéra a coûté assez peu cher, car les décorations sont en « faux », avec seulement de la dorure pour les rendre plus fastueuses. Toutefois, cette salle est fort coûteuse : comédiens, figurants, costumes, décors et surtout éclairage. Les bougies valent cher et il en faut plus de trois-milles pour éclairer cette immense salle. L’Opéra sera donc peu utilisé, principalement lors des célébrations des mariages des Comtes de Provence et d’Artois.
6) L’appartement de parade du Roi Louis XV ne modifiera rien de la Chambre de Louis XIV, qu’il délaisse. Il y maintient les cérémonies du Lever et du Coucher, mais il dort dans une chambre située entre la Cour de Marbre et la façade sud de la Cour des Cerfs. Concernant le Cabinet du Conseil, le souverain y change la cheminée, fait baisser le plafond et surtout l’agrandit en faisant, à terme, supprimer le Cabinet des Perruques. Du même coup, il peut agrandir aussi sa garde-robe et créer une mini terrasse sur la Cour des Cerfs.
7) L’appartement privé du Roi La Cour du Roi est décorée, en 1723, de vingt-quatre têtes de cerfs, ce qui lui donne son nouveau nom de Cour des Cerfs. En 1729, une vingt-cinquième tête de cerf ainsi qu’une tête de daim rejoignent celles déjà en place. Véritable centre névralgique des appartements intérieurs, Louis XV s’intéresse à cette Cour et va l’utiliser pour agrandir son appartement privé. Tout en essayant de préserver l’architecture des lieux et l’unité visuelle du château : il faut éviter que cela se voie trop depuis la Cour de Marbre. Louis XV va doter cette Cour de deux autres étages selon ses besoins. L’autre cour est la Petite Cour Intérieure du Roi, qui est principalement le centre de la vie du Service du Roi. Autour de ces cours vont se multiplier escaliers et cabinets, qui vont coûter fort cher, puisqu’ils « représentent environ le quart de ce que coûtera plus tard l’Opéra », et ce échelonné sur quinze ans. Louis XV va modifier, récupérer, détruire, rebâtir, remplacer. On verra apparaître des « cabinets ‘à niche’ pour le repos, un autre pour le Tour et d’autres encore pour le jeu, les bains, les garde-robes, mais aussi des bibliothèques de plus en plus étendues, des salles à manger d’hiver et d’été, des cuisines et des laboratoires, des volières et des terrasses, qui donnent une physionomie nouvelle, presque mystérieuse, à tout ce qui entoure la Cour des Cerfs ; des escaliers intérieurs, constamment modifiés et multipliés, des couloirs, des passages, de petites antichambres, assurent à l’intérieur des Cabinets des communications faciles au Roi ou à son service ».
Bien entendu, la vie intime de Louis XV n’y est pas pour rien. Entre la succession de ses maîtresses, installées au deuxième étage (exception faite de Mme de Pompadour qui finira sa vie au rez-de-chaussée), celle de la Dauphine Marie-Josèphe, elle aussi au second étage, et les petits-soupers privés où le Roi ne convie qu’un petit nombre de personnes, cette partie du château est « vivante » et en constante évolution. Le Roi développe ses appartements privés dès 1738, laissant l’Appartement de parade pour sa vie de représentation. Il va moduler selon son goût les pièces privées jadis occupées par son arrière-grand-père.
On pénètre dans ces appartements par le rez-de-chaussée, au niveau de la Petite Salle des Gardes du Roi, qui date de 1747-1751. Via le Degré du Roi (en bas duquel Damiens attaquera Louis XV en 1757), on arrive au premier étage. Sur le palier, on entre dans l’Antichambre des Chiens, qui apparaît dès 1738. Elle est dorée des boiseries de l’ancien Billard de Louis XIV. L’année suivante apparaît la corniche (ou petit balcon) qui fait le tour de la Cour des Cerfs et où les chiens du Roi pouvaient courir. Dans cette pièce, Louis XV logeait ses meilleurs chiens ou ceux qui s’étaient démarqués durant la chasse.
Depuis l’Antichambre des Chiens, tournons à gauche. Nous voici dans le Salon de la Pendule. Il est créé en 1738 là où étaient le Salon sur le Petit Degré de Louis XIV et sur le Cabinet en niche de Louis XV. Cette pièce dispose de trois fenêtres sur la Cour de Marbre. En 1754, le Roi rapatrie depuis Choisy la pendule de Passemant et Dauthiau. Six ans plus tard, les cadrans marquant les levers et couchers de la Lune et du Soleil, jusque-là présents dans cette pièce, sont retirés et remplacés par un socle en marbre pour la pendule. Elle y est toujours. Ce Cabinet sert alors de salon de jeux.
Depuis cette pièce, allons à droite. Nous entrons dans la chambre privée de Louis XV. Cette chambre touche le Cabinet du Conseil et le Cabinet des Perruques, là où était le Cabinet du Billard (puis des Chiens) de Louis XIV. Louis XV la veut vaste et, pour cela, il fait abattre le mur donnant sur la Cour des Cerfs, qui sera rebâti un peu plus sur la Cour (qui perd donc sa forme de carré parfait). Cette pièce est plus petite que la chambre de parade, qui fait environ 100 m². Elle est beaucoup plus facile à chauffer et plus commode pour le Roi. C’est là qu’il mourra en 1774. La chambre privée dispose d’un Cabinet de Garde-Robe installé en 1738-1739, équipé d’une chaise percée richement décorée. Les décorations, à la mort du Roi, sont revenues au Premier Gentilhomme de la Chambre, le Duc d’Aumont. Aujourd’hui, elles font parties de collections privées. Le cabinet actuel dispose d’un décor Louis XVI, il ne reste rien de Louis XV, qui aimait passer des moments seul ici.
Retournons dans le Cabinet de la Pendule et dirigeons-nous vers l’Est, pour entrer dans le Cabinet-Intérieur, qui fait l’angle de la Cour de Marbre et de la Cour Royale. Il donne sur l’ancien Salon-Ovale de Louis XIV, jusqu’à la destruction de celui-ci en 1760. Louis XV y expose de somptueux tableaux des collections royales, ainsi qu’une partie des médailles présentées autrefois dans le Cabinet des Médailles. Le Roi aime beaucoup cette pièce, l’une des plus belles de son appartement. C’est aussi là que se trouve le bureau à cylindre de Louis XV, créé par Oeben et Riesener, achevé en 1769 et qui a coûté 62.000 livres. L’Arrière-Cabinet remplace le Salon-Ovale de Louis XIV. Petite pièce en forme de trapèze, elle accueille le petit bureau du Roi et son « Secret », d’autant plus qu’elle communique, via un passage, avec le Petit Degré. Continuons donc par ce passage, qui amène, à droite du Petit Degré, à la Pièce des Buffets. Au nord de cette pièce se trouve l’escalier menant aux cuisines, situées au deuxième étage. A l’Est se trouve la Petite Cour intérieure du Roi. Enfin, à l’Ouest, on trouve la Salle à manger d’hiver. A l’extrémité Nord-Est de la Petite Cour intérieure du Roi, on trouve le Degré d’Epernon.
Là où Louis XIV avait établi un passage entre le Cabinet des Perruques et le Grand Appartement, via le Salon d’Apollon, Louis XV fait installer un petit Cabinet Particulier (qui deviendra le Cabinet du Tour en 1755), un Cabinet de Chaise, l’escalier Semi-circulaire et le Cabinet-Doré. Le Cabinet du Tour, déplacé à l’entresol juste au-dessus, reviendra à son emplacement initial en 1764. Louis XV, manuel, aime tourner le bois, l’ivoire et l’argent. Il lui arrive de créer des pièces qu’il offre à son entourage. Il a transmis cette passion à deux de ses petits-fils, les futurs Louis XVI et Charles X.
Le Roi a également un intérêt pour les Bains. Il va avoir, en 1728, sa chambre première des Bains et la pièce des Cuves qui va avec, toutes deux situées à côté de la Pièce des Chiens. En 1750, ces deux pièces sont déplacées et recréées au troisième étage, où se trouvaient jusque-là la Salle à manger d’été et la pièce des Buffets. En 1755, elles sont à nouveau déplacées là où était le deuxième emplacement du Cabinet du Tour, au-dessus du Cabinet du Conseil. En 1763, elles sont placées au deuxième étage, au-dessus de leur premier emplacement. Enfin, elles terminent leurs pérégrinations au premier étage, où était initialement le Cabinet du Tour.
Au deuxième étage se trouve le Premier Cabinet de la Bibliothèque, situé au-dessus du Cabinet-Doré. De cette pièce, en longeant le haut des murs des salons du Grand Appartement, se trouve la Galerie de la Bibliothèque. Au bout de cette Galerie, c’est la Grande Pièce de la Bibliothèque, qui voisine avec le Cabinet de la Bibliothèque. Celui-ci, via un passage, va jusqu’à un escalier ovale, dans un angle de la Petite Cour intérieure du Roi. Cet escalier mène, au-dessous, aux Bains, et au-dessus, aux Laboratoires du Roi.
Dès 1732 apparaissent des salles à manger, répondant ainsi au besoin d’intimité de Louis XV. Au troisième étage, on crée celle d’été, à peu près au-dessus du Cabinet des Perruques (situé deux étages en-dessous donc) et entourée de terrasses. En 1735 sont installés les premières tables « servantes », créées pour contenir les plats et bouteilles, ce qui limite le personnel dans la pièce. La salle à manger d’hiver est créée au deuxième étage en 1735. Elle fait l’angle de la Cour de Marbre et de la Cour Royale, au bout de la Petite Galerie, avant d’être déplacée en 1738 au-dessus de la Pièce des Chiens, rognant ainsi sur l’espace de sa Bibliothèque. Ces salles sont toujours accompagnées d’une pièce des Buffets (pour les invités qui dînent debout), d’un Cabinet de Jeux d’après souper et d’un Petit Cabinet particulier, ce qui nécessite beaucoup de place. L’installation de ces pièces demande ingéniosité et créativité. En 1745, la Salle à manger d’été et la Pièce des Buffets disparaissent pour laisser leur place aux Bains du Roi. Il semble alors que Louis XV utilisait uniquement la salle à manger du deuxième étage. C’est en 1751 que réapparaissent deux Salles à manger différentes. Au premier étage, là où étaient les Bains, Louis XV en installe une nouvelle (à droite de la Pièce des Chiens durant notre « visite » virtuelle) avec sa pièce des Buffets. Juste au-dessus et créée la même année se trouve la seconde, à la place de la Grande Pièce de la Bibliothèque. En 1756, cette salle disparaît, remplacée par une cuisine. En 1753, Madame Adélaïde arrive au premier étage, sa suite s’installe au deuxième. Poussé dans ses retranchements, Louis XV fait déplacer les pièces de sa Bibliothèque en 1763, au-dessus du Cabinet du Conseil, là où, on l’a vu, étaient les Bains qui ont, par conséquent, changé de place et d’étage.
Le long de la Cour de Marbre, au-dessus de la Chambre de Louis XV et du Salon de la Pendule, se trouve la Petite Galerie du Roi, qui sert de salon de jeux pour après les petits-soupers de retour de chasse. En 1738, la Galerie s’agrandit, empiétant sur une Salle à manger qui fait l’angle de la Cour Royale et qui devient alors le Cabinet de la Petite Galerie. En 1768, cette Galerie est divisée en deux pièces qui sont attribuées à la Dauphine Marie-Josèphe de Saxe puis à Mme du Barry. Le Cabinet qui y est collé, un temps attribué à Mme de Mailly, va devenir un Salon des Jeux, puis encore une Salle à manger avant d’être à son tour intégré à l’appartement de Mme du Barry.
En 1768-1769, Madame Adélaïde retourne au rez-de-chaussée. Louis XV s’empresse de reprendre les pièces qu’elle occupait. Le Cabinet-Doré devient la Pièce de la Vaisselle d’Or. La Chambre de Madame Adélaïde devient un Salon des Jeux (future Bibliothèque de Louis XVI). A l’angle de la Cour Royale est créée une nouvelle Salle à manger dite « aux Salles neuves », qui est toujours en place aujourd’hui. La Pièce des Buffets est située à côté.
Les cuisines se trouvent au troisième étage, principalement du côté de la Petite Cour intérieure du Roi, au-dessus de la Bibliothèque. Louis XV possède aussi, aux deuxième et troisième étages, des laboratoires qui, petit à petit, vont se confondre avec les cuisines. Le Roi fait aménager ses terrasses : treillages, fleurs, mais aussi des volières. Tout disparaît sous Louis XVI. Louis XV, enfin, se fait aménager un Petit Cabinet de retraite, au troisième étage, au-dessus du Salon de la Guerre.
8) L’appartement de parade de la Reine Il commence par la Salle des Gardes de la Reine. C’est une pièce encombrée de lits, de paravents et de tables. Louis XV s’y installe quand il tient ses lits de justice et là, la pièce change du tout au tout ! Vient ensuite l’Antichambre du Grand-Couvert, où la famille royale mange en compagnie de la Cour, selon la même disposition que lors du règne précédent. Puis c’est le Grand Cabinet de la Reine, inchangé depuis les installations faites pour les deux Dauphines. La souveraine donne ses audiences publiques dans cette pièce qui deviendra plus tard le Salon des Nobles. La Chambre de la Reine a été remaniée et magnifiée par Louis XV. Ces transformations s’étalent de 1725 à 1764. Le mobilier est richement renouvelé, les dorures refaites. Il ne subsiste presque rien de la pièce qu’a connue Marie-Thérèse. Enfin, le Salon de la Paix est définitivement rattaché à l’Appartement de la Reine. Le décor de Louis XIV n’a pas changé, seuls les tissus des meubles sont modifiés pour être assortis à ceux du Cabinet. Il devient le Salon des Jeux ou la Salle du Concert de Marie Leszczynska, ses deux passions. En effet, la Reine adore le jeu, notamment la cavagnole, où elle perd parfois de coquettes sommes. Elle aime aussi beaucoup la musique, un intérêt qu’elle partage avec ses enfants. Elle joue de la guitare, du clavecin et de la vielle. « Le Dauphin joue de l’orgue, du clavecin, de la contrebasse et du violon, et Mesdames trois ou quatre instruments chacune ». Les concerts donnés chez la Reine sont nombreux.
9) L’appartement privé de la Reine Les « Cabinets de la Reine » sont un ensemble de huit à dix petites pièces, qui donnent sur la Cour de la Reine. Il s’agit ici d’une ébauche de ce que Marie-Antoinette créera plus tard. Toutefois, Louis XV tranche ici avec Louis XIV, en faisant installer pour sa femme un ensemble de cabinets presque aussi important que pour lui. Pour cela, il part de que ce Louis XIV avait créé pour sa mère, la Duchesse de Bourgogne. Il ajoute aussi le passage qui coupe en deux la Cour de la Reine et qui était la chambre de nuit de son père. Les aménagements commencent en 1727 par la création d’une terrasse qui fait tout le tour de la Cour de la Reine. Derrière le Cabinet de la Reine sont créés une petite galerie et un petit cabinet des Bains. A cela sont ajoutés un Grand Cabinet-Intérieur, un Arrière-Cabinet, un Oratoire, un Cabinet de Chaise et un Cabinet pour le Service de la Reine. Entre 1746 et 1748, de nouveaux aménagements ont lieu. L’Oratoire est déplacé sur la Cour de Monsieur et remplacé par un Cabinet de la Méridienne que Marie-Antoinette remettra à son goût. La petite galerie, quant à elle, devient le Cabinet des Chinois, en raison des décors de Chine choisis par la Reine et disposés sur des châssis. Marie remplit ses cabinets de peintures pieuses, qu’elle affectionne tout particulièrement. Enfin, elle dispose d’entresols où sont sa bibliothèque et le deuxième étage de son cabinet des bains. Ces entresols sont tellement étendus qu’ils vont jusqu’au-dessus du Salon de la Paix.
10) Les appartements de Mesdames Mesdames, filles de Louis XV et Marie Leszczynska, sont au nombre de huit. Marie-Louise (Madame Troisième) meurt en 1733, à trois ans. Les quatre plus jeunes, Mesdames Victoire, Sophie, Thérèse-Félicité et Louise, sont envoyées à l’Abbaye de Fontevrault pour y être éduquées à moindre coût, mais surtout pour gagner en espace dans le château. Seules les trois aînées (les jumelles Mesdames Louise-Elisabeth et Henriette, ainsi que Madame Adélaïde) restent à la Cour. Elles logent dans l’appartement des Enfants de France, dans l’aile du Midi. Louise-Elisabeth quitte Versailles en 1739 pour se marier. Mesdames Henriette et Adélaïde restent ensemble mais quittent la pouponnière royale pour s’installer en 1744 au rez-de-chaussée du corps central, dans l’appartement habituel du Dauphin. Toutefois, elles n’y restent pas et retournent dans l’aile du Midi en 1747 quand leur frère réaménage dans son appartement originel. Lorsque Madame Henriette décède en 1752, Madame Adélaïde ne supporte pas de rester seule dans l’appartement qu’elle occupait avec sa sœur. Elle veut déménager et vise l’ancien Appartement des Bains, occupé en partie par Mme de Pompadour et par la Comtesse de Toulouse (belle-fille de Louis XIV). Durant le temps des travaux, elle loge dans l’ancien appartement de la Duchesse du Maine, au rez-de-chaussée de l’aile Nord, non loin de la Chapelle. Madame Adélaïde choisit comme chambre l’ancienne Chambre des Bains, occupée jadis par Mme de Montespan. Son Grand Cabinet suit et fait l’angle.
Fille préférée du Roi, devenue l’aînée depuis le mariage d’une des jumelles et la mort de la seconde, elle sollicite des pièces au premier étage, qu’elle obtient en 1753. Louis XV lui attribue l’appartement occupé jadis par Mme de Montespan au summum de sa faveur. La Princesse est ravie d’être plus proche de son père. On entre dans cet appartement par le Salon de Venus ou par l’escalier intérieur, situé proche du passage public reliant Cour Royale et Parterre Nord. On arrive dans la Première Antichambre (ancien Cabinet des Médailles et future Pièce des Buffets), puis dans la Seconde Antichambre, suivie du Grand Cabinet (ou Salle à manger) qui forme l’angle de la Cour Royale (future Salle à manger de Louis XV en 1769). Ensuite, se trouve la Chambre, future Bibliothèque de Louis XVI. Enfin, le Cabinet-Intérieur ou Cabinet-Doré. Madame Adélaïde veut, comme ses parents, un Arrière-Cabinet, un Oratoire et des Bains, ainsi qu’une terrasse, créée en 1754. Un an plus tôt, Madame Victoire est revenue de Fontevrault. Sa sœur étant au premier étage, elle investit l’Appartement des Bains, qu’elle partage avec Mme de Pompadour. En 1754, Mesdames Sophie et Louise la rejoignent, récupérant ainsi au passage les pièces précédemment occupées par la Comtesse de Toulouse et Louis XV. La chambre de Madame Sophie se situe sur l’ancien Cabinet des Bains, celle de Madame Louise est installée dans la Galerie Basse. Deux ans plus tard, Madame Adélaïde obtient une pièce au deuxième étage pour y installer sa Bibliothèque. Entre 1760 et 1763, Mesdames Victoire, Sophie et Louise vont réclamer des aménagements dans leurs appartements, notamment sur la décoration. Le peu qui restait de l’Appartement des Bains initial disparaît. Quand Mme de Pompadour meurt en 1764, Madame Victoire reprend son appartement, Madame Sophie celui de Madame Victoire et Madame Louise celui de Madame Sophie. Elles gagnent alors en espace, mais cela ne va pas durer. En effet, Louis XV a besoin de place au premier étage et surtout au deuxième, pour installer sa nouvelle favorite, Mme du Barry. Il va récupérer les pièces de Madame Adélaïde et celle-ci reprend l’appartement de feu la Marquise de Pompadour. Elle s’y installe en 1768. La donne de l’Appartement des Bains est alors redistribuée selon l’ordre de naissance des Princesses : Madame Adélaïde s’installe à la place de Madame Victoire et les trois cadettes se reportent sur le reste de l’appartement, la moins bien lotie étant la plus jeune, Madame Louise. Pour mieux loger ses filles, Louis XV leur accorde d’aménager la Galerie Basse en appartement. Il accepte d’autant plus qu’il espère ainsi, en faisant plaisir à ses filles, faire oublier l’arrivée de Mme du Barry à la Cour. En 1770, Madame Louise entre en religion. Elle laisse ainsi plus de place à ses aînées.
Visitons à présent ces appartements. Commençons par celui de l’aînée, Madame Adélaïde. On entre par le passage reliant la Cour Royale et le Parterre du Nord. On trouve une Première et une Seconde Antichambres (actuelle Salle des Hoquetons), un Grand Cabinet (situé sous le Salon de Diane), une Chambre, un Cabinet Intérieur et une Bibliothèque en entresol. Ensuite vient l’appartement de Madame Victoire (que l’on prend à l’envers, du coup), dont la Bibliothèque est aussi entresolée, au-dessus de celle de sa sœur. La Princesse dispose d’un Cabinet, d’une Chambre (ex-Salle de Diane, sous le Salon d’Apollon), d’un Grand Cabinet d’angle, d’une Pièce des Nobles et d’une Antichambre (ces deux pièces sont l’ancienne Chambre et l’ancien Cabinet des Bains), qu’elle partage avec Madame Sophie. Celle-ci a, après cette Antichambre partagée, une Pièce des Nobles, un Grand Cabinet, une Chambre, un Cabinet Intérieur (voisin de l’appartement du Comte de Provence) et une Bibliothèque située sur l’actuel emplacement du Vestibule. Quand elle décède en 1782, Mesdames Victoire et Adélaïde se partageront presque équitablement l’Appartement des Bains. Certaines pièces de la Princesse seront reprises par Marie-Antoinette.
11) Les appartements du Dauphin et de la Dauphine Le Dauphin habite l’appartement autrefois occupé par le fils de Louis XIV. Il y vit en toute simplicité et mène une existence plus bourgeoise que royale. Il quitte cet appartement en 1744 pour s’installer dans l’aile du Midi, dans l’appartement jadis occupé, lui aussi, par Monseigneur, entre 1682 et 1684. En effet, l’appartement habituel du Dauphin, au rez-de-chaussée du corps central, est alors en travaux. Quand sa première épouse décède, il y vit encore avec la seconde, Marie-Josèphe de Saxe, mais le souvenir de Marie-Thérèse-Raphaëlle d’Espagne est trop présent. Le couple delphinal retourne donc dans le corps central en 1747. Les appartements du Dauphin et de la Dauphine, collés l’un à l’autre, montrent bien l’intimité de ce couple soudé. Si ces deux appartements sont clairement distincts, ils restent liés par leurs intérieurs et leurs décorations se complètent. Le décor de cet Appartement, tel que le Dauphin l’a connu, n’existe quasiment plus, de même qu’il ne reste presque plus rien aujourd’hui des boiseries et niches décoratives des pièces occupées par la Dauphine.
Contrairement à celui de Monseigneur sous Louis XIV, on entre, via la Cour de Marbre, par la Salle des Gardes du Dauphin. La Première Antichambre fait l’angle intérieur de la Cour de Marbre. Elle est suivie par la Seconde Antichambre (ancien Cabinet des Glaces du Grand Dauphin), qui est le long du Parterre d’Eau. Vient ensuite la Chambre, puis le Grand Cabinet, qui fait l’angle entre le Parterre d’Eau et le Parterre du Midi. Là où sera la Salle de Bains de Marie-Antoinette, on trouve l’appartement du Premier Valet de Chambre du Dauphin. Le Dauphin possède des cabinets privés le long de la Cour de la Reine. Le Cabinet à niche et la Bibliothèque de Louis-Ferdinand ont été installés sur l’ancienne chambre de Monseigneur, coupée en deux. Ces deux pièces sont longées par un étroit couloir qui permet au Prince de se rendre facilement chez Marie-Josèphe de Saxe. Enfin, Louis-Ferdinand fait installer, en 1762, un petit jardin dans la Cour de la Reine.
On entre chez la Dauphine par le passage qui relie la Cour Royale et le Parterre du Midi. On démarre par la Première Antichambre, puis la Seconde, le Grand Cabinet et la Chambre. Le Grand Cabinet est la pièce où Marie-Josèphe tient son jeu. Elle partage son Cabinet à niche avec le Dauphin. La Dauphine dispose de Cabinets privés à l’Ouest de la Cour de Monsieur.
Louis-Ferdinand meurt en 1765. Son fils, futur Louis XVI, devient Dauphin et Marie-Josèphe de Saxe quitte son appartement. Louis XV fait aménager pour elle l’ancien Appartement de Mme de Pompadour, de l’autre côté du corps central. Le temps des travaux, elle s’installe au deuxième étage, dans quelques pièces qui donnent à la fois sur la Cour de Marbre et sur la Cour des Cerfs. Elle dispose de deux antichambres, d’un Grand Cabinet (ancienne petite galerie de Louis XV), d’une chambre (ancienne salle à manger puis salle de bains de Louis XV) et d’un Cabinet. Une partie de ces pièces sera reprise plus tard pour créer l’Appartement de Mme du Barry. La jeune veuve s’installe donc ici à la fin de 1766 et meurt au début de 1767.
Le nouveau Dauphin a onze ans quand son père meurt. Il vit encore dans l’Appartement des Enfants de France, dans l’aile du Midi, avec ses frères et sœurs. Quand il épouse Marie-Antoinette en 1770, il s’installe dans l’ancien appartement de sa mère. La nouvelle Dauphine, elle, va dans l’ancien appartement de feu son beau-père en attendant de pouvoir habiter l’appartement de la Reine.
12) Les appartements des sœurs de Nesles Les pièces créées par Louis XV au-dessus du Salon de la Guerre ont sans doute été un temps attribuées à la première des sœurs de Nesles à avoir été sa maîtresse, Mme de Mailly. Celle-ci possède déjà un appartement dans l’aile Nord et est ensuite installée au plus près du Roi, au deuxième étage, au-dessus de l’ancienne Galerie Mignard et de là où vivait Mme de Montespan. Il s’agit de l’ancien emplacement des laboratoires et cabinets de distillation du souverain. La maîtresse du Roi dispose d’une chambre et de deux cabinets, qui seront plus tard occupés par Mme du Barry. Quand Mme de Châteauroux supplante sa sœur, elle loge dans l’appartement situé au-dessus du Salon de la Guerre, puis reçoit quelques pièces dans le corps central, au deuxième étage. Ces pièces sont tournées vers le Parterre du Nord. Au passage, Louis XV installe la sœur de sa favorite, Mme de Lauraguais, qui sera aussi sa maîtresse. Les pièces qu’elle occupe se trouvent au-dessus des Salons de Mercure et d’Apollon.
13) Les appartements de Mme de Pompadour Quand Mme de Châteauroux meurt, elle est remplacée par Mme de Pompadour, qui s’installe au deuxième étage en 1745. Ces pièces seront remodelées et embellies avec les années. Trois ans plus tard, Arnoult crée sa « chaise volante », sorte d’ascenseur extérieur avant l’heure. Devenue l’amie du Roi et non plus sa favorite, la Marquise quitte l’appartement des maîtresses pour s’installer au rez-de-chaussée, à côté de Mesdames. Elle veille aux amours du Roi et, jusqu’à sa mort, l’appartement du deuxième étage n’accueille plus de maîtresse mais des amies de Mme de Pompadour. L’appartement de la Marquise, au rez-de-chaussée, se compose de deux Antichambres (actuelle Salle des Hoquetons), d’un Grand Cabinet, d’une Chambre (sous une partie du Salon de Mars) et d’un Petit Cabinet, mais aussi de Bains, d’une Méridienne, d’une garde-robe et d’un Arrière-Cabinet. Elle meurt à Versailles en 1764, son corps est alors transporté à la hâte dans son hôtel de la rue des Réservoirs, personne d’autre que la famille royale n’ayant le droit de mourir au château.
14) L’appartement de Mme du Barry Mme du Barry s’installe à Versailles en 1769. Elle reprend l’appartement jadis occupé par Marie-Josèphe de Saxe au deuxième étage. La Chambre est accessible depuis la Bibliothèque du Roi. Elle donne sur la Cour de Marbre et dispose, en saillie sur la Cour des Cerfs, d’une garde-robe et d’un Cabinet de chaise. Vient ensuite le Grand Cabinet, à la place de la Petite Galerie de Louis XV, puis un Salon d’angle dédié au jeu. Donnant sur le Grand Cabinet et le Petit Degré, se trouve la Salle à manger, autrefois celle de Louis XV de 1738 à 1751. Suivant le Cabinet d’angle, on trouve une antichambre menant à la Bibliothèque. La Première antichambre est collée à la Salle à Manger et aux Bains.
Voici pour aujourd’hui, la suite dans un prochain article ! 🙂